LE RETOUR DES MORTS-VIVANTS 3 : l’amour ne meurt jamais

Re-Animator 2 n’a laissé qu’un seul regret à Brian Yuzna : celui de ne pas avoir suffisamment montré sa « fiancée de Frankenstein » (Kathleen Kinmont, héritière trash d’Elsa Lanchester). De cette frustration est née l’idée de faire d’une « living dead girl » le principal attrait du Retour des morts-vivants 3 (l’affiche du film traduit à merveille cette note d’intention). Il n’en fallait pas plus pour apporter un peu de sang neuf à une franchise démarrant de fort belle manière (Le Retour des morts-vivants, 1985) mais ternie par une suite poussive (Le Retour des morts-vivants 2, 1988). Si le troisième volet partage le même univers que ses prédécesseurs (mais sans en reprendre les personnages), il opère néanmoins un brutal changement de ton. À l’orientation comique des films de Dan O’Bannon et Ken Wiederhorn, Yuzna préfère une approche plus premier degré, voire carrément dark. La preuve avec le pitch of the dead qui suit. Deux jeunes tourtereaux, Curt (J. Trevor Edmond) et Julie (Melinda Clarke), ont un accident de bécane. Alors que le premier s’en tire avec quelques égratignures, la seconde rend l’âme à même le bitume. Totalement dévasté, Curt s’introduit avec le corps de sa dulcinée dans la base militaire où son colonel de père est affecté. Là, ce dernier teste sur des macchabées les effets de la Trioxine, un gaz qui réveille les morts… et sert à faire revenir Julie à la vie. Mais pas pour le meilleur, juste pour le pire…

Que faisiez-vous entre le 1er et le 6 février 1994 ? Vous n’étiez pas au festival Fantastic’Arts de Gérardmer par hasard ? Si oui, vous vous souvenez peut-être que le prix de public avait été décerné au Retour des morts-vivants 3. En ce temps-là, les zomblards n’avaient plus vraiment la cote mais, deux ans après le dantesque Braindead de Peter Jackson, le père Yuzna parvenait à tirer son épingle (sanguinolente) du jeu. Depuis, le récent blu-ray du Chat qui Fume a prouvé que le film n’a pas été oublié. Tant mieux puisque Return of the living dead 3 demeure l’une des franches réussites du moustachu (le déjà cité Bride of Re-Animator et le méchamment satirique Society font aussi partie du peloton de tête). En abordant l’art de la putrescence sous l’angle de la love story tragique, Brian Yuzna drape son œuvre d’une singulière étoffe. L’amour impossible au cœur du récit, impossible parce que les vivants et les morts ne sont pas censés occuper le même monde, pourrit comme la carcasse d’un pendu au soleil mais atteint la transcendance lors d’un final de toute beauté. Le jusqu’au-boutisme de ce romantisme noir dresse le même constat que le traumatisant Simetierre de Mary Lambert : ne pas accepter la perte, aussi injuste soit-elle, d’un être cher engendre inévitablement son lot de malheurs… Dans les deux cas, un baiser « contre nature » vient clore les débats, abolir les frontières, ébranler les normes, sceller les destins. Love never dies.

L’autre mérite du Retour des morts-vivants 3, c’est qu’il ne cache rien de la souffrance physique et psychique de Julie. L’automutilation qu’elle s’inflige est même justifiée. Consciente de son inexorable décomposition, la jeune femme réfrène ses pulsions cannibales en suppliciant sa chair, se fait du mal pour ne pas en faire aux autres. Sa faim s’apaise lorsqu’elle se taillade ou s’enfonce des bris de verre sous la peau. Dans les bras impuissants de Curt, Julie sent son corps la lâcher, lutte contre elle-même, tente de repousser l’instant fatidique où elle ne sera plus qu’une bête sauvage. Dans cette chronique de la douleur, le processus de zombification devient une longue agonie, à l’image du calvaire subi par Le Mort-vivant de Bob Clark. Reflet d’une détresse palpable et d’un chaos charnel, le look cadavérique de Julie inspire des émotions contradictoires. Effroyablement attirante, elle est Eros lacérant Thanatos, l’expression d’un désir nécrophile (un trouble également provoqué par Anna Falchi dans le très pertinemment nommé Dellamorte Dellamore). Que le sexe léchouille les nombreuses plaies de cette héroïne décadente est somme toute assez logique : la miss aurait très bien pu avoir sa place parmi les créatures sadomasos d’Hellraiser… D’une fébrilité émouvante, prenant le contre-pied du cliché de la victime féminine, Melinda (ou Mindy) Clarke incarne l’une des icônes les plus marquantes du « body horror ». Dommage que le reste de sa carrière (le zinzin Killer Tongue, l’embarrassant Spawn et un bon paquet d’épisodes de série TV) ne soit pas à la hauteur de cette performance…

Si Melinda a ici si belle allure, c’est notamment grâce aux maquillages d’une référence en la matière : Steve Vidéodrome Johnson. Ses collègues des effets spéciaux (des pointures comme Chris Nelson ou Wayne Toth) ne sont pas en reste et créent de saisissants cauchemars organiques (mention spéciale à ce zombie difforme qui s’anime soudainement et se déchire la couenne). Toutefois, en raison d’un budget ric-rac, certains trucages peinent à convaincre (les fausses têtes pâtissent d’un rendu bien trop grossier pour faire illusion). Des défauts, Le Retour des morts-vivants 3 en compte d’autres : câbles scénaristiques, figurants à la ramasse, musique cheapo-synthétique… Mais la capacité d’adaptation, le sens du rythme et la générosité gore de Yuzna parviennent à faire oublier ces quelques scories. Puisant son inspiration dans le style baroque des EC Comics (comme son compère Stuart Gordon) et le Day of the dead de Romero, le réalisateur montre les conséquences de l’ingérence militaire dans la recherche scientifique. S’ensuit des expériences interdites menées par une Sarah Douglas exquise en officier fourbe et cruel. Portant élégamment l’uniforme, avec en prime un petit côté Ilsa dans le regard, la comédienne nous rappelle qu’elle a été l’une des grandes « méchantes » des 80’s (Superman 2, Conan le Destructeur, V). Chez Yuzna, elle symbolise l’irresponsabilité des adultes (c’est-à-dire l’armée) face à une jeunesse rejetée et contrainte de fuir dans des égouts aussi délabrés que le corps de Julie. « Engagez-vous » qu’ils disaient.

Return of the living dead 3. De Brian Yuzna. États-Unis. 1993. 1h37. Avec : Melinda Clarke, J. Trevor Edmond, Sarah Douglas

LA NUIT DES MORTS-VIVANTS + ZOMBIE + LE JOUR DES MORTS-VIVANTS : Romero’s not dead

Quand il n'y a plus de place en enfer, les morts reviennent sur... grand écran ! Un miracle dû à Solaris Distribution qui ressort dans nos salles les trois premiers segments d'une saga zombiesque indissociable du regretté George A. Romero (suivront dans les années 2000, Land, Diary et Survival of the Dead). Passer une nuit, une aube et un jour en compagnie de morts-vivants à qui l'horreur moderne doit énormément, ne se refuse pas. C'est ça ou une énième rediff du grand bêtisier des animaux sur C8. Ah non, plutôt mourir… pour de bon !

« THEY’RE COMING TO GET YOU, BARBRA ! » 1968

Le Pitch. Chaque année, Barbra (Judith O’Dea) et Johnny (Russell Streiner) vont fleurir la tombe de leur père. La route est longue, les environs du cimetière déserts. Peu enclin à prier, Johnny se souvient du temps où il était enfant et où il s’amusait à effrayer sa sœur en répétant d’une voix grave : « Ils arrivent pour te chercher, Barbra. » La nuit tombe. Soudain, un homme étrange apparaît. Il s’approche de Barbra puis attaque Johnny, qui tombe et est laissé pour mort. Terrorisée, Barbra s’enfuit et se réfugie dans une maison de campagne. Elle y trouve Ben (Duane Jones), ainsi que d’autres fugitifs. La radio leur apprend alors la terrible nouvelle : des morts s’attaquent aux vivants. Source : Solaris Distribution

Comme le disait le grand Jean-Pierre Putters lors d’un bonus présent sur le vieux dvd Mad de Zombie, on peut définir La Nuit des morts-vivants comme le « Mai 68 du film d’horreur ». Oui, le premier long-métrage de George A. Romero représente une sacrée révolution, celle d’un genre tout entier et de l’une de ses figures en particulier. Avant cette petite production tournée entre potes avec pratiquement pas un rond, le zomblard était essentiellement lié au culte vaudou, comme l’ont si bien illustré Victor Halperin (White Zombie, 1932), Jacques Tourneur (I Walked with a Zombie, 1943) et John Gilling (The Plague of the Zombies, 1966). Faisant table rase du passé, Romero réinvente totalement la manière d’aborder le revenant à l’écran. Le cadre contemporain (et presque banal) adopté ici évacue d’emblée toute imagerie gothique et/ou exotique qui viendrait mettre une distance entre le sujet et le spectateur. S’en dégage une forme de réalisme nous faisant croire à la véracité des faits (les bulletins d’information, qu’ils soient issus d’un poste de télévision ou de radio, ont leur importance dans le récit). Pour autant, ce sentiment d’urgence souligné par les mouvements heurtés d’une caméra portée ne font pas de Night of the Living Dead le rejeton d’un cinéma post-nouvelle vague. L’auteur de Knightriders livre au contraire de très beaux effets de style (plans obliques, plongées et contre-plongées, éclairages expressionnistes), prouvant au passage que le manque de moyens ne freine aucunement le talent et l’inspiration. Une œuvre fantastique n’est pas un documentaire, surtout quand on a en tête le roman post-apocalyptique de Richard Matheson, Je suis une légende. La source idéale pour évoquer les prémices de la fin du monde dans laquelle une poignée d’individus tentent de ne pas passer à la casserole. L’occasion pour le réalisateur de faire de ses mangeurs de chair la métaphore d’un corps social en décomposition. Portant en elle les germes de sa propre destruction, l’espèce humaine se révèle bien trop disparate pour entreprendre une quelconque défense commune. À l’intérieur de cette baraque où se déroule l’essentiel de ce cauchemar nocturne et purulent, les antagonismes menacent à tout moment de ruiner les efforts de chacun pour rester en vie (la lâcheté de Harry, père de famille obtus, s’oppose constamment au sang-froid et au courage de Ben). Le péril émane bien plus de ce conflit que des morts traînant la patte dans les environs (le script s’attarde d’ailleurs très peu sur les origines du mal). Ce qui n’empêche pas le film d’élaborer LA mythologie définitive concernant nos croquemitaines avariés : anthropophagie, point faible situé au niveau du cerveau, contamination par morsure… Une formule pérenne, à l’impact visuel déjà très cru et viscéral (comme tant d’autres avant elle, la série The Walking Dead saura s’en souvenir…). Notons également la remarquable construction du classique de Romero, qui voit l’espace autour des personnages se rétrécir au fur et à mesure (le film débute dans un cimetière et se termine dans une cave). S’enfermer, c’est donc se mettre en danger et s’installer volontairement dans un cercueil (s’isoler dans les sous-sols ne signifie pas autre chose). En outre, le final glaçant et désespéré de Night of the Living Dead résonne avec la triste actualité de l’époque (l’assassinat de Martin Luther King le 4 avril 1968). Face à la ségrégation raciale et la guerre du Vietnam, les morts – affligés et en colère – ne pouvaient que sortir de leur tombe…

« QUAND LES MORTS MARCHENT, IL FAUT CESSER DE TUER OU LA GUERRE EST PERDUE » 1978

Le Pitch. Des morts-vivants assoiffés de sang ont envahi la Terre et se nourrissent de ses habitants. Un groupe de survivants se réfugie dans un centre commercial abandonné. Alors que la vie s’organise à l’intérieur, la situation empire à l’extérieur… Source : Solaris Distribution

Quand la discorde provoque le chaos : l’aube des morts-vivants vient à peine de se lever qu’elle nous plonge déjà au cœur du problème. Si nos défunts ont été refoulés d’un enfer trop encombré, ce n’est pas par simple facétie divine. C’est parce que l’humanité ne parvient ni à s’entendre ni à agir afin d’enrayer la catastrophe. Dans les coulisses d’un plateau de télévision, des « experts » comme on en voit à longueur de journée sur BFM TV se foutent sur la gueule, tandis qu’autour d’eux s’agite toute une équipe ne sachant quoi faire. Fuir peut-être ? Il faut bien que quelques-uns survivent, non ? Il faut bien que quelques-uns échappent à la tension sociale et raciale qui sévit au-dehors ? Et quoi de mieux qu’un hypermarché pour se planquer en attendant que le vent tourne ? Ce paradis que le quatuor du film pense avoir trouvé n’est qu’un leurre, un piège destiné à les enfermer dans un confort illusoire, à les aveugler face au désastre en cours. Impossible d’aborder Zombie sans évoquer sa critique féroce de la société de consommation (sous-texte également présent dans Le Grand Bazar de Claude Zidi, mais ceci est une autre histoire). Avoir à sa portée (et gratuitement) tout un tas de merdouilles ne sert à rien quand le monde s’effondre. Frimer en portant une montre en or à chaque poignet est un geste aussi dérisoire que vain. L’argent lui-même n’a plus aucune valeur. L’apocalypse selon Saint George pourrait bien se résumer à ce terrible réflexe voyant des revenants déambuler pour toujours dans les allées d’un centre commercial… Cette (trop) grande surface est le reflet vulgaire et clinquant d’un capitalisme où l’homme se nourrit de l’homme. Romero traite le sujet au sens propre comme au figuré et orchestre un jeu de massacre qui culmine avec l’arrivée de pillards motorisés venus foutre en l’air la petite existence de nos héros (comme quoi, il y a toujours plus à craindre des vivants que des morts). Parmi ces Hell’s Angels dégénérés à la Doux, dur et dingue/Ça va cogner, se distingue un certain Tom Savini, acteur/maquilleur également auteur d’un festin gore qui a durablement marqué les esprits (ah, cette machette enfoncée dans le crâne d’un pauvre hère, un plan d’anthologie ayant d’ailleurs servi à illustrer l’une des affiches du long-métrage). Tout comme les décharges électriques envoyées dans nos esgourdes par le groupe Goblin qui réitère avec cette sarabande d’outre-tombe l’exploit musical de Suspiria. Les coups de mitraillette synthétique, les bruitages atmosphériques sépulcraux et les riffs endiablés des Italiens transcendent chaque image, font du film un concert à part entière (Edgar Wright ne manquera pas de rendre hommage à cette putain de BO dans son Shaun of the Dead). Dix ans après cette fameuse nuit où tout a commencé, George Romero signe l’exemple le plus foudroyant d’un cinéma d’horreur subversif où les zombies ne sont autres que nous-mêmes. Réfléchissons-y avant d’envahir à notre tour les galeries marchandes à l’approche de Noël…

« THE DEAD WALK ! » 1985

Le Pitch. Les morts-vivants se sont emparés du monde. Seul un groupe d’humains, composé de militaires et de scientifiques, survit dans un silo à missiles. Deux solutions se présentent : fuir ou tenter de contrôler les zombies… Source : Solaris Distribution

Trois ans avant le génial Invasion Los Angeles de John Carpenter, George A. Romero jetait déjà un pavé dans la mare des années Reagan avec Le Jour des morts-vivants. Alors que l’Amérique fait étalage de sa toute puissance, le maître de Pittsburgh montre la fin d’un empire de paille, les heures sombres d’une société qui s’est effondrée sur elle-même, la chute de la civilisation. L’intro se situant dans une ville de Floride progressivement infestée de « rôdeurs » suffit à rendre le désastre palpable (et ce grâce à des images à la fois porteuses de sens et faisant froid dans le dos, comme cet alligator squattant les marches d’un palais de justice n’ayant plus aucune utilité). Visiblement, l’Oncle Sam s’est tiré une balle dans la tronche après avoir constaté les limites de son système. La preuve, des billets verts traînent sur le bitume, balayés par le vent comme de vulgaires prospectus… Ce qu’il reste de l’humanité, désormais en minorité par rapport aux morts qui marchent, s’est réfugiée dans un bunker géant, un ancien silo à missiles. L’occasion pour le réalisateur de Martin de renouer avec l’un de ses thèmes fétiches, le huis clos, et de confronter deux groupes opposés, les scientifiques d’un côté, les militaires de l’autre. Bien entendu, la cohabitation se passe mal, l’atmosphère se tend à son maximum, et c’est dans cet affrontement que tous les enjeux de ce troisième volet « of the dead » se cristallisent. La survie de celles et ceux qui respirent encore dépend de leur capacité à pouvoir bosser ensemble. La guerre des nerfs cède inévitablement la place à la guerre tout court quand l’autorité des bidasses vire au fascisme pur et simple. Big George en profite pour tirer à boulets rouges sur ces résidus de l’armée US, tous dépeints comme des débiles congénitaux prêts à tirer dans le tas. Lecteur des extravagants EC Comics durant son enfance (cf. l’excellent Creepshow, 1982), Romero s’amuse à grossir le trait lorsqu’il souligne la bêtise de ses troufions irrécupérables (Joseph Pilato, décédé en mars dernier, prend visiblement son pied à jouer les méchants patibulaires). Pour autant, même s’il semble prendre fait et cause pour les chercheurs, le cinéaste n’hésite pas à dévoiler les expériences extrêmes d’un Docteur Frankenstein aussi jovial qu’inquiétant (tous les moyens sont bons pour tenter de neutraliser le fléau). Histoire de brouiller les pistes, il va même jusqu’à faire d’un zombie « domestiqué » le personnage le plus attachant du récit (qui ne voudrait pas adopter le formidable Bub ?). Pas de schématisme dans Day of the Dead donc, mais la volonté de décrire un monde sens dessus dessous où le monstre n’est pas toujours celui que l’on croit… Et ce jour ne serait pas aussi éclatant (ou plutôt éclaboussant) sans les effets horrifiques dantesques d’un Savini ne manquant ni de faux sang ni d’humour (parmi la horde de cadavres ambulants, on distingue un footballeur, un clown…). Alors célébrons l’avènement des morts-vivants et chantons en chœur : « Le soleil vient de se lever, encore une belle journée et il va bientôt arriver, l’ami putréfié… ».

Night of the Living Dead. De George A. Romero. États-Unis. 1968. 1h36. Avec : Duane Jones, Judith O’Dea, Karl Hardman…

Zombi/Dawn of the Dead. De George A. Romero. États-Unis/Italie. 1978. 1h57 (montage européen). Avec : Ken Foree, Gaylen Ross, David Emge…

Day of the Dead. De George A. Romero. États-Unis. 1985. 1h42. Avec : Lori Cardille, Terry Alexander, Joseph Pilato…

OVERLORD : Herbert West chez les nazis

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ATTENTION : UN PEU DE SPOIL, BEAUCOUP D’AMOUR

Le nazi zombie n’a jamais été représenté aux Césars, ce qui est bien dommage. Pourtant, imaginez un peu. Cérémonie des Césars 1981. Jeanne Moreau est sur scène, devant son pupitre, sort le petit bulletin blanc de son enveloppe et annonce au gratin du cinéma français : « …et le César du meilleur film est attribué à… Le lac des morts-vivants ! ». Explosion de joie dans la salle, Jeanne saute dans la fosse comme au Hellfest, Jean-Claude Brialy ne peut retenir ses larmes et se met à hurler : « Promizoulin ! Promizoulin ! ». Bref, c’est le tourbillon de la vie. Si ce moment de grâce absolue ne peut exister dans une réalité non alcoolisée, le nazi zombie, sous-genre de l’horreur tendance Bis, a toujours eu une place de choix dans le cinoche d’exploitation. La tendance s’est même accélérée dans les années 2000, 2010 avec les Outpost, Dead Snow et autre Frankenstein’s Army. Contrairement à ses petits camarades, Overlord atterrit directement dans les salles et non en dvd ou vod. Oui, vous avez bien lu : une pure série B peut encore se savourer dans les multiplexes. Rare par les temps qui courent. Pour une fois, on va pouvoir profiter du spectacle sur grand écran. Ça tombe bien, celui proposé par cette production J.J. Abrams vaut franchement le détour.

Le titre Overlord fait bien entendu référence à l’opération du même nom. Les héros du film de Julius Avery appartiennent aux troupes alliées débarquant sur les plages normandes le 6 juin 1944. Et même un peu avant puisque lesdits héros, des parachutistes de l’oncle Sam, ont une mission bien précise : faire péter une antenne située au sommet d’une église squattée par les suppôts d’Hitler. L’enjeu est de taille car s’ils échouent, l’ennemi vert-de-gris pourrait capter l’arrivée des forces anglo-saxonnes et changer le cours de l’Histoire. Et comme si la situation n’était pas assez compliquée, un autre danger menace et prend forme dans les ténèbres d’un village occupé… Dès son époustouflante séquence d’intro, Overlord nous plonge dans le vif du sujet et caractérise ses personnages en quelques plans et deux, trois répliques. Dans la carlingue d’un avion prêt à lâcher ses soldats américains sur les côtes françaises, nous découvrons l’humaniste et timoré Boyce (Jovan Adepo), cette grande gueule de Tibbet (John Magaro, vu dans Orange is the New Black) ou encore le Caporal Ford (Wyatt Russell, le fiston de Snake Plissken), une obscure tête brûlée qu’il ne vaut mieux pas titiller. Et puis soudain, les enfers se déchaînent : les balles transpercent la carcasse de l’avion, les bombes font des trous béants dans l’appareil, les hommes sont largués précipitamment dans les airs au milieu des explosions. La caméra suit de très près ces combattants jetés en pâture aux flammes et livrés au chaos. Le résultat est aussi immersif qu’impressionnant.

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Du début jusqu’à la fin, Overlord demeure une péloche guerrière de première bourre. Voir le film en salle permet de se prendre en pleine poire la puissance de feu libérée par son jeune et inspiré cinéaste (dont c’est ici le deuxième long après un Son of a Gun sorti chez nous en 2015, mais seulement sous forme de rondelle digitale). À l’écran, les mitrailleuses défouraillent sec, éclatent les chairs et font vrombir les sièges ! Grisant ! D’un point de vue narratif, la mission cruciale de notre commando d’expendables n’est jamais écartée et ce même quand le fantastique se tape l’incruste et impose des enjeux supplémentaires. Et parce que l’action se déroule durant la Seconde Guerre mondiale, il y a forcément du bad guy teuton à l’horizon. Chaque membre de la Wehrmacht a la gueule belliqueuse de l’emploi, c’est-à-dire celle du gars qui a laissé la tendresse au vestiaire. Le plus sauvage d’entre tous reste l’officier Wafner. Un faux gentleman et un vrai sadique, un psychopathe capable de faire un baise-main à une nana et de lui foutre son luger dans la bouche si elle n’est plus très coopérative. Une ordure d’anthologie campée par le danois Pilou Asbæk (ne vous fiez pas à son prénom, le gazier en impose vraiment un max). Vous avez certainement déjà croisé sa bobine avenante dans Game of Thrones (il y est Euron Greyjoy, un autre type délicat, sensible et attachant).

Comme vous le savez, Overlord n’est pas un film de guerre comme les autres. À ce genre, il en ajoute un autre, celui de l’horreur. Il le fait d’ailleurs de façon progressive, en semant d’abord des indices louches sur le parcours des GI’s et en intégrant ensuite l’inimaginable au récit. Et le plus beau dans ce délire, c’est que ce métissage « monstrueux » n’entame pas la crédibilité de l’ensemble. Petite précision : Avery n’emprunte pas vraiment la voie du zombie flick à la Romero ou The Walking Dead. Point de horde de revenants du IIIe Reich ici mais plutôt des expériences scientifiques menées par un savant fou sur des patients pas franchement consentants. Si les morts reviennent à la vie, c’est surtout à la manière d’un Re-Animator. À la différence près que ce docteur Maboul d’Herbert West n’a jamais eu l’intention de créer une armée de super troufions… À ce propos, certaines visions ont de quoi refiler des cauchemars et n’auraient pas déplu au Stuart Gordon des 80’s (surtout celle d’une tête sans corps tentant malgré tout d’appeler à l’aide…). La touche gothique suggérée par ce décor sinistre et effrayant (un gigantesque labo planqué dans les sous-sols d’une église) évoque la folie des vieux serials fréquentés par le rire sardonique et le regard méphistophélique d’un Bela Lugosi. Mais en plus sérieux toutefois et avec une bonne dose de gore en prime.

Avant de vous lâcher la grappe, juste un petit mot sur la révélation féminine d’Overlord. Elle s’appelle Mathilde Ollivier (avec deux « l », normal pour un ange), joue les femmes d’action et non les faire-valoir, a le charme fou d’une Léa Seydoux et s’apprête comme cette dernière à tutoyer les étoiles. Une bonne raison (une de plus) pour payer son ticket et s’envoyer ce show extrêmement bien gaulé où le plaisir du spectateur n’est jamais ignoré.

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Overlord. De Julius Avery. États-Unis. 2018. 1h50. Avec : Jovan Adepo, Wyatt Russell, Mathilde Ollivier…

THE LAST GIRL – CELLE QUI A TOUS LES DONS (Colm McCarthy, 2016)

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Un petit groupe d’enfants, immunisés contre un terrible virus qui risque de décimer l’humanité, est détenu dans un camp militaire. Bien qu’ils se nourrissent eux aussi de viande humaine, les enfants sont encore capables d’éprouver des sentiments. Ils sont donc essentiels à la recherche menée par le docteur Caldwell, biologiste, pour trouver un vaccin capable de sauver l’espèce humaine. Parmi les enfants, une petite fille, Melanie, sort du lot : dotée d’un esprit brillant, elle est très liée à la maîtresse, Miss Justineau. Quand le camp est attaqué par les zombies, le petit groupe entame une terrible odyssée dans une Grande-Bretagne en ruine. Melanie, l’ancienne prisonnière, devient un précieux guide… Source : madmovies.com

Le point de départ de The Last Girl – Celle qui a tous les dons évoque Le Jour des morts-vivants de George A. Romero. Dans une base sécurisée, militaires, scientifiques et enseignantes cohabitent en huis clos pour trouver un remède au mal qui a dévasté le monde extérieur. Les opinions ne tardent guère à diverger, les esprits à s’échauffer. Placés sous haute tension, les survivants sont en train de perdre le contrôle. La situation ne peut que dégénérer et la mort s’infiltrer à l’intérieur. En lieu et place du Bub de Day of the Dead, zombie (presque) domestiqué laissant transparaître quelques bribes d’humanité, c’est une gamine qui brouille ici la frontière entre le mort et le vivant. Parmi les mioches servant de cobayes, Melanie se distingue par son intelligence, sa politesse, sa gentillesse. Si elle nous apparaît immédiatement comme attachante, rien – à première vue – ne vient trahir la part monstrueuse faisant partie de son ADN. La dualité de ce personnage étonnant, qui réprime son appétit vorace pour conserver l’amitié de sa prof favorite, annonce un nouveau genre d’infecté dont l’apparence ne reflète en rien la nature. La jeune Sennia Nanua retranscrit comme une grande toute l’ambivalence d’une enfant généreuse avec les autres, curieuse de son environnement mais contrainte de tuer pour se nourrir. Seulement âgée de douze ans lors du tournage, la comédienne passe avec aisance de la gosse adorable à la bête sauvage. Une révélation qui a dû impressionner ses partenaires, notamment la toujours fabuleuse Gemma Arterton (elle est aussi à se damner dans le Byzantium de Neil Jordan). La compassion de sa Miss Justineau représente certainement ce que la société a perdu de plus précieux dans cette apocalypse. Le désordre trouble tous les repères moraux et même si les protagonistes poursuivent un but identique (retrouver leur vie d’avant), ils ne partagent pas la même conception des choses. Pour éradiquer le virus zombiesque, le docteur Caldwell (Glenn Close, impeccable, ce qui ne nous surprend pas) fouillerait bien dans les entrailles de Melanie. Un sacrifice auquel s’oppose Justineau, maîtresse ne pouvant se résoudre à voir son élève uniquement comme une cannibale féroce. Quant au sergent Parks (Paddy Considine, un acteur assez rare dans le domaine horrifique, ce qui est bien dommage), il se contente de mener à bien sa mission et de masquer ses émotions. Le caractère de chacun est joliment dépeint par le script de M.R. Carey, auteur également du roman à l’origine du film. Et ce n’est pas la seule qualité de The Last Girl, puisqu’il en profite aussi pour investir le zombie/infected movie avec une bonne dose d’inventivité. Les origines de l’épidémie reposent sur des bases scientifiques crédibles en faisant d’un champignon parasite le déclencheur d’un fléau à nul autre pareil (ce qui nous vaut quelques visions dantesques de cadavres ayant littéralement germés). À ce cataclysme fongique franchement original s’ajoute une manière inédite de faire évoluer les revenants. Ainsi, ces derniers sont capables de se mettre en position de veille en cas d’inactivité, ce qui permet de se faufiler entre eux à condition de rester très discret (pas besoin de les imiter pour passer inaperçu comme dans Shaun of the Dead ou de se badigeonner de sang à la manière de The Walking Dead). Les décors ont eux aussi été abordés avec un maximum de soin et d’authenticité. Les prises de vue effectuées à Tchernobyl (mais aussi dans le centre de l’Angleterre) offrent un cadre plus que réaliste à la fin du monde se déroulant sous nos yeux. Ces images d’une ville fantôme dans laquelle la nature a repris ses droits sont absolument saisissantes. Dans les rues sinistres d’une civilisation en ruine, la panique peut à tout moment briser le silence des morts-vivants. Pour cela et pour tout le reste, The Last Girl renouvelle la claque de 28 jours plus tard. Si Colm McCarthy retrouve l’énergie et l’inspiration du chef-d’œuvre de Danny Boyle, celui-ci n’aurait peut-être pas osé la fin ironique et cruelle de The Girl with all the gifts. 28 mois plus tard se fait désirer ? Pas grave, on a trouvé de quoi patienter.

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The Girl with all the gifts. De Colm McCarthy. Royaume-Uni/États-Unis. 2016. 1h46. Avec : Gemma Arterton, Sennia Nanua et Glenn Close. Maté en dvd le 01/05/18.

LA NUIT A DÉVORÉ LE MONDE (Dominique Rocher, 2018)

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En se réveillant ce matin dans cet appartement où la veille encore la fête battait son plein, Sam doit se rendre à l’évidence : il est tout seul et des morts-vivants ont envahi les rues de Paris. Terrorisé, il va devoir se protéger et s’organiser pour continuer à vivre. Mais Sam est-il vraiment le seul survivant ? Source : madmovies.com

Derrière ce titre poétique, se cache un zombie flick made in France. À moins que ce ne soit plutôt des infectés, puisque lesdits zombies – joyeusement convulsifs et étonnamment muets – peuvent encore courir pour choper leurs proies. Une fâcheuse manie acquise avec 28 jours plus tard et L’Armée des morts (sans oublier L’Avion de l’apocalypse d’Umberto Lenzi, avec un peu plus de vingt ans d’avance). Mais peu importe, puisque le pourquoi du comment n’intéresse pas Dominique Rocher. Les origines de l’apocalypse sont volontairement éludées. De prime abord, on pourrait trouver curieux que le héros de La Nuit a dévoré le monde ne songe un seul instant à allumer la télé ou son smartphone pour savoir ce qu’il se passe. À la place, il préfère consulter les messages d’adieux gardés en mémoire sur les portables de celles et ceux qui sont morts et revivent malgré eux. Sortant tout juste d’une rupture que l’on imagine douloureuse, Sam trouve dans cette solitude imposée par le chaos une façon de prendre sa revanche sur sa vie d’avant. D’être enfin peinard, libre, loin des autres et de leurs règles sociales étouffantes. Avec rigueur et sans aucune digression, le premier acte décrit les rouages de la survie en milieu hostile (sécurisation du périmètre, recherche de bouffe, installation d’un nouveau chez-soi). La topographie des lieux est constamment lisible, ce qui prouve la maîtrise de son réalisateur en matière de gestion de l’espace. Un savoir-faire utile lorsque l’on décide de rester en huis clos pendant près de quatre-vingt-dix minutes. Car l’action de La Nuit a dévoré le monde se déroule entièrement dans un immeuble Haussmannien et ne montre de Paris qu’une rue et un panorama plus général vu d’un toit-terrasse. Minimaliste et efficace, le film prend le parti d’adopter le point de vue de son protagoniste sans jamais le quitter d’une semelle. Jeune homme ordinaire plongé dans une situation extraordinaire, Robinson Crusoé à la sauce Je suis une légende, Sam est d’emblée le type de personnage auquel le spectateur s’identifie, ce que facilite grandement l’interprétation convaincante du Norvégien Anders Danielsen Lie. La bonne idée du script est aussi de montrer les effets du temps qui passe sur ce dernier, de faire défiler les saisons qui – fatalement – amènent avec elles des difficultés de plus en plus grandes. Rester planqué ne change rien à l’affaire : l’hiver finit toujours par venir. Le froid, la dépression, la folie sont là pour nous rappeler à l’ordre. On ne peut pas se mettre à l’écart de la fin du monde et faire comme si de rien n’était. Pensant pouvoir refaire leur vie dans un centre commercial, les survivants du Dawn of the Dead de Romero se laissaient déjà berner par cette illusion. Conserver son humanité et aller de l’avant ne vont pas de soi quand, à l’extérieur, tout part en couille. Voilà les deux principaux enjeux au cœur du long-métrage de Dominique Rocher. Traitant son sujet au premier degré et sans esbroufe postmoderniste, le cinéaste ne prend jamais le genre de haut et se permet même de contrecarrer nos attentes de cinéphage. La Nuit a dévoré le monde ne suit pas la trame zombiesque habituelle, au risque de faire légèrement stagner le récit à mi-parcours. Rien de méchant, l’originalité de l’entreprise est à ce prix. D’autant plus que, question mise en scène, Rocher fait preuve d’inspiration et livre quelques beaux moments. Comme ces funérailles improvisées par Sam après s’être retenu de balancer un corps par la fenêtre. Ou l’étrange « amitié » liant le bonhomme au non-mort Denis Lavant. Ou encore l’apparition de l’admirable Golshifteh Farahani dont la simple voix ferait rebattre le palpitant de n’importe quel zomblard. Ses répliques en français, étreintes sonores relevées d’un accent léger et aérien, caressent nos écoutilles. Son irruption tardive dans le récit constitue à la fois une accalmie et un mirage pour celui qui est probablement le dernier homme sur terre. Peu présente à l’écran, Golshifteh aurait donné une autre dimension à l’ensemble si elle avait tenu le rôle principal. Mais on ne va pas refaire le film. De toute manière, un seul regard suffit à la comédienne pour dissiper les ténèbres et illuminer La Nuit a dévoré le monde. En tout cas, bonne nouvelle : le cadavre du fantastique hexagonal bouge encore.

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La Nuit a dévoré le monde. De Dominique Rocher. France. 2018. 1h34. Avec : Anders Danielsen Lie, Golshifteh Farahani et Denis Lavant. Maté en salle le 13/03/18.

SHAUN OF THE DEAD (Edgar Wright, 2004)

Shaun-of-the-Dead-PosterShaun of the dead. De Edgar Wright. Royaume-Uni/France. 2004. 1h33. Avec : Simon Pegg, Nick Frost (le couple se reformera sous la direction de Wright pour les besoins de Hot fuzz et The world’s end) et Kate Ashfield. Genre : comédie/horreur. Sortie France : 27/07/2005. Maté à la téloche le dimanche 6 août 2017.

De quoi ça cause ? À 30 ans, Shaun (Simon Pegg) passe tout son temps au pub, en compagnie de son colocataire Ed (Nick Frost), préférant les jeux vidéo et la bière aux dîners avec Liz (Kate Ashfield), sa petite amie. Aveugle à la décrépitude de son couple, il ne se rend pas compte non plus du comportement étrange des habitants de Londres, et ne remarque pas plus les sirènes de police que le ton alarmiste des journaux télévisés. Quitté par sa copine, Shaun retourne au pub et se soûle avec Ed, avant de se jurer de reprendre sa vie en main et de reconquérir Liz. Mais au réveil, c’est l’apocalypse : un virus a infecté les Londoniens, les transformant en zombies. Shaun a un plan. Récupérer sa mère et Liz, et filer droit au pub, pour attendre les secours. (source : Arte.tv/fr)

Mon avis Télé Z : Le 16 juillet 2017, l’immense George A. Romero meurt en laissant derrière lui ses inoubliables créations. Tout au long d’une œuvre aussi intelligente que passionnante, ce « master of horror » a su mêler le fantastique le plus viscéral à une certaine densité psychologique et à une authentique dimension sociale. Si sa filmo n’est pas exclusivement dédiée au gore, le bonhomme a tout de même été l’un des instigateurs de l’horreur moderne et, plus particulièrement, l’inventeur du zombie flick tel qu’on le conçoit aujourd’hui. Edgar Wright s’en souvient lorsqu’il entreprend Shaun of the dead. Son film est avant tout un très bel hommage à Romero. D’ailleurs, les clins d’œil ne manquent pas. De la réplique « Nous venons vous chercher, Barbara ! » – référence au cultissime La nuit des morts-vivants (1968) – à l’utilisation de la musique composée par Goblin pour le dantesque Zombie (1978), le regretté réalisateur irrigue totalement le long-métrage de son cadet. Normal : sans Big George, pas de jeu vidéo comme Resident evil, de série télé à la The walking dead ou de péloche telle que ce Shaun of the dead. Toutefois, aussi respectueux envers cet héritage soit-il, ce dernier marque sa différence et ne constitue en rien un énième retour des morts-vivants. À son tour, le jeune Wright provoque l’avènement d’un autre genre, ou plutôt sous-genre : la zombedy. Soit la comédie avec des zombies. Non pas que rire et effroi ne se soient jamais mélangés, ni même que les macchabées se mettent à faire marrer pour la première fois (n’oublions pas Flic ou zombie ou Braindead) mais depuis le coup d’éclat qui nous intéresse, de nombreux rejetons ont vu le jour (du frais : Bienvenue à Zombieland, du moins frais : Warm bodies). Autre point important : Edgar Wright laisse de côté les facilités parodiques chères à la saga faisandée Scary movie. Le Britannique n’en a nullement besoin, tant son acuité comique s’exprime à travers de brillantes idées visuelles. Le rire s’infiltre alors dans la mise en scène elle-même et se joue des habitudes de ses personnages (le générique d’ouverture en est un manifeste à lui tout seul). Bien entendu, la bonne humeur générale doit énormément à l’irrésistible duo Simon Pegg/Nick Frost. Ces losers patentés ont beau être souvent (pour ne pas dire tout le temps) à côté de la plaque et davantage concernés par des enjeux triviaux (comme s’envoyer une binouze au pub du coin), ils n’en demeurent pas moins attachants. Surtout Shaun qui ne peut se résoudre à laisser tomber son meilleur pote (quand bien même celui-ci est un sacré boulet) et doit, en plus de survivre à une invasion de revenants, régler ses problèmes avec sa famille, sa petite amie et lui-même. Un programme chargé pour un héros qui s’ignore, certes maladroit et parfois flemmard, mais surtout doté d’un cœur gros comme ça. Rien d’étonnant, dès lors, que la gorge du spectateur se serre lorsque certains protagonistes se séparent dans les larmes et le sang. On a tous en nous quelque chose de Shaun, voilà la force du film d’Edgar Wright. D’autant plus que ce dernier a non seulement livré une comédie et un drame exemplaires, mais a aussi offert au 7ème art zombiesque une pépite supplémentaire. Un exploit tant l’auteur du récent Baby driver prend le temps de faire monter la tension, de distordre la réalité, de rendre l’inimaginable tangible, et ce tout en nous présentant ses personnages (voir la manière dont le virus se propage au second plan, alors que le pauvre Shaun doit faire face à ses préoccupations quotidiennes). Mieux encore, le gore s’invite à la fiesta et s’illustre lors de scènes chocs dignes du célèbre maquilleur Tom Savini (Zombie ou Land of the dead, c’est lui). Il ne manque donc rien à Shaun of the dead pour s’imposer comme un classique instantané. Le panard intégral pris à chaque visionnage en est la preuve irréfutable. 6/6

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L’un des meilleurs gags de Shaun of the dead qui s’est retrouvé, à peu de chose près, dans la série The walking dead. Pour un effet beaucoup moins fun, cela va sans dire.