THE NIGHTINGALE : ne tirez pas sur l’oiseau vengeur

« Welcome to the world. Full of misery from top to bottom. »

« Cette quête de vengeance vous marquera à vie ». Le moins que l’on puisse dire, c’est que le magazine Rolling Stone ne s’est pas payé notre tronche. La citation, bien mise en évidence sur la jaquette du dvd et du blu-ray de The Nightingale (édition Condor Entertainment) résume parfaitement le long-métrage de Jennifer Kent. Dire que celui-ci relève du miracle est un doux euphémisme. De nos jours, combien de films sont capables de convoquer dans un même élan le bestial et le sublime, de vous emporter comme un torrent, de vous pilonner le cœur au marteau brise-roche ? Trop peu, on est d’accord. The Nightingale constitue donc une fulgurante exception et fait partie de ces œuvres tellement intenses et puissantes qu’elles causent stupeur et tremblements. La preuve, rien que d’y penser, j’en grelotte encore… À l’écran, le geste se fait violent et colle au près du réel, à l’histoire humaine, à ce que nous sommes. Puisque le passé baigne dans le sang et les larmes, il n’y a d’honnêteté que celle qui ose montrer l’immontrable et ce sans aucune complaisance. Si certains films ne peuvent s’oublier, c’est parce qu’ils exigent l’implication totale du spectateur. C’est parce qu’ils provoquent une réaction, suscitent la réflexion et ébranlent profondément. Nous pensions révolu le temps des trempes sismiques à la Requiem pour un massacre (Elem Klimov, 1985) et bien nous avions tort. Préparez-vous à recevoir en pleine poire ce qu’il convient d’appeler un véritable choc cinématographique…

« Comment savez-vous si la Terre n’est pas l’enfer d’une autre planète ? » demandait Aldous Huxley à ses lecteurs. Clare (Aisling Franciosi) n’a aucun doute à ce sujet. Bagnarde irlandaise, elle vient de purger sa peine sur l’île-prison de Tasmanie (et non de Manhattan). En 1825, ce petit bout d’Australie sert de colonie pénitentiaire à l’empire britannique. Placée sous la tutelle du (bad) lieutenant Hawkins (Sam Claflin), Clare quémande à ce dernier sa lettre de libération. Non seulement ce fumier la lui refuse mais en plus il abuse d’elle. La situation ne s’arrange guère lorsque le mari de la suppliciée fout son poing dans la gueule du violeur. À la suite de cette altercation, Hawkins voit sa promotion remise en question. Avant de rejoindre sa hiérarchie à travers les bois pour sauver son avancement, il débarque chez Clare avec deux soldats à sa botte. Le trio laisse pour morte la jeune femme et massacre sa famille. Ivre de vengeance, l’ancienne détenue se lance alors à la poursuite des assassins. Pour cela, elle demande de l’aide auprès du traqueur aborigène Billy (Baykali Ganambarr)… Western des antipodes ? Survival forestier ? Rape and revenge ? Bande d’aventure pour adultes ? Il y a de ça. Mais en fait, c’est bien plus que ça. C’est même carrément autre chose. De par sa volonté d’éviter les écueils et de s’affranchir des codes, The Nightingale ne ressemble en réalité qu’à lui-même. Cette singularité est d’autant plus inespérée qu’elle ne tient jamais de l’exercice de style froid et vain. Que les poseurs de l’elevated genre en prennent de la graine !

D’entrée de jeu, The Nightingale marque sa différence en nous épargnant le traditionnel carton explicatif et la sempiternelle voix off. Tournant radicalement le dos aux conventions hollywoodiennes, Jennifer Kent n’est pas là pour nous ménager mais pour nous immerger dans l’innommable. Sans abuser du moindre artifice romanesque, l’Australienne fait de nous le témoin d’un authentique chemin de croix. Et si la réalisatrice du remarqué Mister Babadook (2014) nous convainc de la suivre sur ces sentiers de la perdition, c’est que l’intégrité de son regard ne fait aucun doute. Pas de provoc dans sa manière de poser des images sur des actes insoutenables, mais un mélange subtil de frontalité et de suggestion. La maturité, l’intelligence et la justesse de la mise en scène éclairent chaque plan et participent grandement à véhiculer l’émotion. Car celle-ci n’est jamais étouffée par les partis pris de Kent qui, de prime abord, semblent d’une rugosité à s’en arracher l’épiderme. Impression rapidement démentie. Les plans fixes, pures comme aux premières heures du cinématographe, donnent à l’environnement une saisissante touche expressionniste (voir ces prises de vues nocturnes figeant les arbres comme des ombres). L’absence de musique extradiégétique (la splendide partition de Jed Kurzel fait seulement vibrer nos écoutilles lors du générique de fin) n’est pas non plus anodine et empêche toute échappatoire lyrique. Le sentiment d’enfermement est par ailleurs renforcé par le format 1.37:1, ratio dont la verticalité épouse symboliquement le mouvement opéré par Clare : celui d’une chute inexorable, d’une descente aux abysses…

Dans The Nightingale, la vengeance ne suit pas une ligne droite mais un tracé tortueux, bourbeux et sacrément éprouvant. Calvaire jonché de visions traumatiques, le parcours de Clare interroge la portée de ses actes, questionne la haine qui la ronge. Car il y a une différence entre vouloir donner la mort et exécuter la sentence. « Tuer un homme, c’est quelque chose. On lui retire tout ce qu’il a et tout ce qu’il pourrait avoir » relevait Eastwood dans Impitoyable. Presser la détente de son vieux fusil ou enfoncer sa lame dans la chair de l’ennemi n’est pas sans conséquence. Commettre l’irréparable, c’est risquer de s’enliser dans des abîmes de plus en plus profonds, de ne plus savoir qui l’on est au point de basculer dans la folie. Le vertige ne serait pas aussi palpable si Kent avait fait de son héroïne une justicière implacable et badass, une « action woman » capable d’éliminer les pires crapules sans sourciller. Clare est avant tout un bloc de souffrance ne pouvant compter que sur sa rage pour tenir debout et avancer. L’autochtone Billy ne répond pas davantage à un archétype et apparaît dans sa plus cruelle vérité : un jeune homme en colère, témoin de l’extinction de son peuple, de sa culture, de son monde. En outre, nul angélisme ne vient gâcher la caractérisation du duo. Avant de réaliser que leur douleur et leur combat se rejoignent, chacun évalue l’autre selon ses propres préjugés raciaux. Blanche, elle n’a pourtant rien à voir avec l’envahisseur anglais. Noir, il n’est pas cette bête sans âme que décrivent les oppresseurs de Sa Majesté. Ainsi, sur ces terres dévastées naît la plus inaliénable des amitiés.

Devant eux se dressent ces foutus colons. Pendant que les troufions de l’Union Jack se biturent tous les soirs, les gradés ne pensent qu’à la discipline. Une illusion. L’institution militaire ne sert qu’à assouvir les plus bas instincts. Le contingent est à l’image des trois hommes de guerre sur lesquels se concentre le récit : si vaniteux, si pathétiques. Si petits en comparaison d’un territoire aussi immense qu’indomptable. Pour l’arriviste Hawkins, le sous-fifre Ruse et ce pauvre gamin de Jago, ce pays est aussi un cachot sans murs, une taule à ciel ouvert. Le premier demeure le plus sauvage d’entre tous, celui qui commet exaction sur exaction pour gravir les échelons. Faux gentleman, vrai salopard. Attendez-vous à ce que la performance inouïe de Sam Claflin affecte votre sommeil. Je fais aussi le pari que celle de Baykali Ganambarr hantera vos nuits. Quant à Aisling Franciosi, JAMAIS vous n’oublierez la fureur qui embrase ses yeux, JAMAIS vous n’oublierez l’agonie qui déforme son visage. Vous entendrez encore et encore son chant du « rossignol », voix céleste pansant les blessures et perçant les ténèbres… Autre qualité et non des moindres : The Nightingale regarde l’Histoire en face au lieu de vouloir la réécrire en effaçant ce qui dérange. Ce devoir de mémoire, Jennifer Kent l’effectue à travers une reconstitution historique réaliste et rigoureusement documentée. Sans ça, The Nightingale ne serait pas aussi estomaquant, terrassant. Il est même d’une âpreté peu commune et d’une beauté rare. Il vous fera saigner du nez et chialer comme un môme. Aurez-vous suffisamment de tripes pour tenter l’expérience ?

« I’m not your whore. I’m not your nightingale, your little bird, your dove. I’m not your anything. I belong to me and no one else. »

The Nightingale. De Jennifer Kent. Australie. 2018. 2h16. Avec : Aisling Franciosi, Sam Claflin, Baykali Ganambarr…

ANGEL, LA TRILOGIE : cinéma de minuit

Célébrer sur support dvd et blu-ray les grandes heures de l’ère VHS : tel est le credo de la fameuse « Midnight Collection » de Carlotta Films. Après The Exterminator (aka Le Droit de tuer – pas le Joel Schumacher, le Glickenhaus), À armes égales (pas le Ridley Scott, le Frankenheimer), Maniac Cop (pas le Xavier Dolan, le Lustig) ou encore Frankenhooker (du seul et unique Henenlotter), c’est au tour de la saga Angel de rejoindre cette furieuse anthologie. Durant les glorieuses 80’s (et à l’instar du Ms .45 de Ferrara), la trilogie de Robert Vincent O’Neil et Tom DeSimone a su féminiser un genre d’ordinaire très viril : le vigilante movie. Alors ne perdez pas de temps et venez vite faire la connaissance de l’intrépide Angel (pas le vampire, la justicière). 


BONNE ÉLÈVE LE JOUR, BONNE P… LA NUIT

Le Pitch. Molly Stewart (Donna Wilkes), 15 ans, mène une double vie. Lycéenne modèle le jour, elle devient à la nuit tombée Angel, une prostituée officiant sur Hollywood Boulevard. Alors qu’un dangereux tueur en série fait son apparition dans les rues de Los Angeles, assassinant sauvagement deux de ses amies, Angel refuse de céder à la peur… Source : Carlotta Films.

Avec son concept particulièrement gratiné (lycéenne le jour, prostituée la nuit), Angel s’annonce comme une pure péloche d’exploitation. Surprise, ce polar urbain distribué aux States par New World Pictures (l’une des boîtes fondées par Roger Corman) n’est pas du genre à se livrer au racolage. Au lieu d’explorer les contours les plus sordides de son sujet, Robert Vincent O’Neil préfère capter sur le vif la faune des rues chaudes de L.A. Également créateur de la série Lady Blue (un « Dirty Harry » au féminin animé par la rouquine Jamie Rose), le réalisateur s’attache à faire vivre une bande de marginaux hauts en couleur. Autour de notre tapineuse encore mineure (Donna Wilkes, Jaws 2) s’agitent un vieux cowboy d’opérette (Rory Calhoun, Le Colosse de Rhodes), un trav n’ayant pas sa langue dans sa poche (Dick Shawn, Les Producteurs) et une logeuse déglinguée (Susan Tyrrell, Conte de la folie ordinaire). La solidarité règne au sein de cette famille de déclassées usant leurs godasses sur les étoiles du « Walk of Fame ». Mais Hollywood ne fait plus rêver grand monde, à part peut-être les touristes… Ne cachant pas son affection pour ses losers magnifiques, Robert Vincent O’Neil prend le temps de caractériser chaque personnage (et de diriger ses comédiens, tous formidables). Surtout, il n’élude en rien les circonstances qui peuvent mener une gamine de 15 ans sur le trottoir. Toutefois, Angel ne peut se résumer à un drame psychologique et touchant. Cet aspect s’amalgame parfaitement avec les interventions plus brutales d’un tueur en série bien vicelard (John Diehl, Deux flics à Miami). Un psychopathe mutique et glacial qui fait flirter l’ensemble avec le thriller extrême (façon New York, deux heures du matin), voire le film d’horreur (à la Maniac). En plus d’être un revenge movie inhabituel, Angel peut aussi s’enorgueillir d’une musique extra et d’une photo sensas (la première est signée Craig Thief Safan, la seconde Andrew Sale temps pour un flic Davis). Pas besoin d’être un ange pour apprécier le résultat.

Angel. De Robert Vincent O’Neil. États-Unis. 1983. 1h29. Avec : Donna Wilkes, Susan Tyrrell, Rory Calhoun…


ANGEL EST DE RETOUR… POUR SE VENGER !

Le Pitch. Désormais étudiante en droit, Molly Stewart (Betsy Russell) a définitivement tiré un trait sur son passé de prostituée. Son seul lien avec cette époque révolue est le lieutenant Andrews, l’homme qui lui a sauvé la vie il y a quatre ans et dont elle est restée très proche. Lorsque ce dernier se fait assassiner en service, Molly décide de partir à la recherche du meurtrier sous les traits d’Angel… Source : Carlotta Films.

N’y allons pas par quatre chemins : Angel 2 : la vengeance est une suite offrant la plus jubilatoire des prolongations. Robert Vincent O’Neil et son coscénariste Joseph M. Cala ont veillé à ce que le charme de l’original opère encore. Avec les mêmes qualités d’écriture, les auteurs recréent la dynamique du premier volet tout en cédant sans complexe aux sirènes du « bigger and louder ». Car cet Avenging Angel (en VO) démarre fort, très fort. Sur un morceau électrisant de Bronski Beat (« Why ? » interprété par Jimmy Somerville), des hommes de main déboulent dans un appart pour trouer leurs cibles à coups de fusil à pompe. Le rythme musical, la puissance de feu à la Peckinpah et le montage sans chichis convoquent le meilleur du B des 80’s. Plus d’action donc, mais aussi plus d’humour. Ce qui s’avère tout de suite plus casse-gueule. N’ayez crainte, ce nouvel ingrédient s’intègre naturellement au reste. Si les genres se complètent aussi harmonieusement, c’est parce que les protagonistes d’Angel sont (presque) tous de retour. Parmi nos laissés pour compte favoris, Rory Calhoun (alors en fin de carrière) demeure certainement le plus allumé, le plus attachant. En simili Bronco Billy faisant chanter ses tromblons comme au temps du Far West, le Harry Weston de La Rivière sans retour émeut autant qu’il file la banane. Avec lui, et ses autres camarades de jeu, affleure l’idée que le monde change en laissant pas mal de gens sur le carreau et aux mains d’individus toujours plus crapuleux. En réalité, La Vengeance de l’ange (autre titre français) prend fait et cause pour les déshérités de L.A et sonde le fossé social les séparant de ceux qui les exploitent (les charognards sont ici des gangsters pleins aux as s’accaparant les biens immobiliers du quartier). Ah, j’oubliais : entretemps, Angel a changé de visage. Plus sexy et moins enfantine que Donna Wilkes (le producteur Sandy Howard a préféré remplacer cette dernière plutôt que de l’augmenter), la très convaincante Betsy Russell (future régulière de la saga Saw) prouve à son tour que la Cité des Anges n’a jamais aussi bien porté son nom.

Avenging Angel. De Robert Vincent O’Neil. États-Unis. 1984. 1h30. Avec : Betsy Russell, Rory Calhoun, Susan Tyrrell…


ELLE A PRIS GOÛT À LA VENGEANCE

Le Pitch. Molly Stewart (Mitzi Kapture) est installée à New York où elle est photographe. Lors d’un vernissage, elle croit reconnaître parmi la foule sa mère disparue. Après avoir obtenu quelques informations sur cette Gloria Rollins, Molly décide de la confronter et s’envole pour Los Angeles. Sa mère lui apprend que Michelle, sa petite sœur dont elle ignorait l’existence, court actuellement un grand danger. Le soir même, Gloria est retrouvée morte… Source : Carlotta Films.

Tôt ou tard, il fallait bien que la franchise se casse la binette, que la magie s’étiole, que nos espoirs s’envolent. Avec Angel 3 : le chapitre final (c’est faux, il y en aura encore un quatrième), tout ce qui faisait le sel des opus précédents n’est plus de mise. Le regard singulier du duo O’Neil/Cala s’efface au profit d’un polar tristement impersonnel. L’absence de cœur, de truculence et de folie se fait cruellement sentir, tout comme celle des amis freaks de Molly « Angel » Stewart. D’outsiders folklos, les personnages deviennent chez Tom DeSimone (le nouveau réalisateur/scénariste) des archétypes fadasses (mention spéciale au flirt de l’héroïne, un sidekick sans intérêt). La continuité étant brisée, on ne reconnaît plus notre ange de la vengeance (on la retrouve photographe de presse alors qu’elle était sur le point de devenir avocate dans Avenging Angel). Rouillé dans ses moindres ressorts, le script sort de son chapeau troué une maman et une frangine. S’ensuit une enquête routinière débutant dans le milieu du porno (l’occasion d’apercevoir le minou, euh… je veux dire le minois, d’Ashlyn Gere) et s’achevant en plein trafic de femmes. La mise en scène purement fonctionnelle de Tom DeSimone (Garnier ? « Ça m’est égal » répond Fabienne) donne l’impression de se mater un épisode de Rick Hunter. Le plaisir éprouvé à la découverte de son Hell Night (1981), un chouette slasher avec Linda Blair, n’est donc pas au rendez-vous. Ce qui n’empêche pas DeSimone de faire un peu d’auto-promo dans Angel 3 : l’affiche de son hallucinant Reform School Girls (1986) décore le mur de l’un des intérieurs du film… Et quid de Mitzi Kapture, la troisième Angel ? Si la comédienne des Dessous de Palm Beach ne s’en sort pas si mal, elle peine cependant à faire oublier ses devancières. Également présents au générique de ce « final chapter » mensonger, Maud Adams (Rollerball), Richard Roundtree (Shaft) et Dick Miller (l’acteur fétiche de Joe Dante) ne parviennent pas davantage à sauver les meubles. Encore un coup de ces fichus Gremlins…

Angel III : The Final Chapter. De Tom DeSimone. États-Unis. 1988. 1h39. Avec : Mitzi Kapture, Maud Adams, Richard Roundtree…

A GOOD WOMAN : sympathy for lady vengeance

Une hache encrassée par du sang séché. Une femme déterminée, captive de son objectif. Deux profils aussi acérés l’un que l’autre. Dans la nuit fuchsia, l’arme se confond avec sa propriétaire Ce poster qui claque ne flatte pas seulement la rétine, il nous invite à faire la connaissance de Sarah Collins (Sarah Bolger). Une jeune irlandaise créchant avec ses deux gosses dans un quartier malfamé. Dans cette zone de non-droit, la vie ne lui fait pas de cadeaux. La police lui conseille de « passer à autre chose » lorsqu’elle demande où en est l’enquête sur le meurtre de son mari. Le vigile de la supérette lui fait des « propositions indécentes ». L’assistante sociale la prend pour une conne. Sa mère lui reproche d’avoir épousé un pauvre type. Pire que tout, Tito (Andrew Simpson), un dealer minable venant de barboter de la chnouf à la pègre locale, s’incruste chez elle pour y planquer son larcin. Cette petite frappe terrorise Sarah et la mêle à son trafic de poudre. Pas très malin et surtout très dangereux. Car, non loin de là, l’infâme Leo Miller (Edward Hogg), le boss de ladite pègre, se lance aux trousses de son voleur… Même sans ce foutu Covid, A Good Woman n’aurait jamais eu les honneurs d’une sortie au cinéma. En France, ce film bis/indé tout sauf « standard » débarque en VOD et en DVD chez M6 Vidéo (mais sans l’option Blu-ray, faut pas non plus pousser). Au moins, il n’a pas été récupéré par une plateforme de streaming…

Quoi qu’il en soit, A Good Woman (version courte du titre original A Good Woman is Hard to Find) est une nouveauté non seulement à découvrir mais aussi à défendre. Pourquoi ? Parce que cet inédit de qualité ne s’excuse jamais d’être noir comme l’ébène, violent comme le quotidien des laissées pour compte. Le film frappe fort, cogne juste et en a suffisamment dans le ventre pour susciter l’émotion. Rien à voir donc avec les vulgaires DTV dont raffolent les chaînes de la TNT… Après une dizaine de courts-métrages (le premier, The Sand One, date de 1998), deux longs (Shooting Shona et Road Games avec la grande Barbara Crampton), Abner Pastoll plante sa caméra en Irlande du Nord et en Belgique pour shooter A Good Woman. Seize jours plus tard, c’est dans la boîte ! Quand on a pas le budget d’un Godzilla vs Kong, il faut tourner vite. Et si possible, sans bâcler le taf. Le soin apporté à la forme prouve que ce planning serré n’a pas eu raison de l’entreprise. Mieux que ça, la péloche ne s’autorise aucune afféterie visuelle. Contrairement à ce que l’on pourrait croire en reluquant le visuel situé plus haut, Pastoll ne se prend pas pour Nicolas Winding Refn. Aux longues poses éclairées au néon du second, le premier préfère affronter le réel sans esbroufe mais avec juste ce qu’il faut de style. Home invasion virant au revenge flick, A Good Woman est un film de genre doublé d’un drame social crédible. Pour cela, pas besoin non plus d’abuser de la shaky cam ou de se la jouer Ken Loach…

De par sa puissance viscérale et son regard sans concession, A Good Woman évoque plutôt l’excellent Harry Brown (Daniel Barber, 2009). Ce vigilante sous-estimé nous présente un veuf (Michael Caine, bouleversant) vivant dans une banlieue londonienne rongée par le narco business et abandonnée par les pouvoirs publics. Le constat âpre et nihiliste de Barber rejoint celui de Pastoll : pour celles et ceux qui habitent au « mauvais endroit », il n’existe pas d’autre choix que de se battre pour trouver une échappatoire. Dans cet abîme urbain, il ne fait pas bon vieillir ou être une nana… À travers le parcours brutal de son héroïne, A Good Woman dresse le portrait d’une femme ordinaire qui, dans ce monde sans merci, devient d’abord une victime toute désignée. Avant de faire d’elle une « brave one » appliquant sa « death sentence », Pastoll et son scénariste Ronan Blaney prennent le temps de lui donner de la chair, un caractère, une âme. En deux, trois séquences bien senties, ces derniers parviennent à rendre leur protagoniste aussi attachante qu’authentique, et ce même dans les moments les plus inattendus (cf. la mésaventure semi-comique autour de la pile déchargée d’un godemichet). Dès lors, le deuil impossible de Sarah et l’amour qu’elle porte à ses enfants deviennent aussi palpables que son désarroi et sa colère grandissante. Et pour cause : le visage marqué de la Miss Collins ne nous est pas inconnu. C’est celui de toutes ces femmes qui peinent à joindre les deux bouts, luttent sans relâche pour se faire respecter et protègent leurs mômes quoi qu’il en coûte. Des « good women », en somme.

À l’instar du génial Sudden Impact (à la fin duquel Eastwood renonçait à coffrer la vengeresse Sondra Locke), Abner Pastoll considère que son ange exterminateur a déjà suffisamment morflé et, par conséquent, refuse de la condamner une seconde fois. Le cinéaste reste aux côtés de Sarah jusqu’au bout, ne la lâche jamais et, surtout, lui offre cette justice que les institutions ont échouée à rendre. En outre, le script a la bonne idée de nous épargner les clichetons du genre (l’acolyte bienveillant ou le bon flic de service sont ici aux abonnés absents), sans pour autant parvenir à éviter toutes les facilités (le « pur hasard » relie l’héroïne au bad guy en chef, un sociopathe incarné de façon un peu trop « théâtrale » par Edward Taboo Hogg). Ces infimes détails ne viennent jamais rompre l’équilibre global, n’entament en rien le réalisme de l’ensemble. Et ce n’est pas tout. A Good Woman possède un autre atout dans sa manche : Sarah Bolger. Retenez bien ce nom ! En guise d’intro, elle nous présente sa figure tachée d’hémoglobine puis file sous la douche afin de purifier son corps de la cruauté qui l’entoure. D’emblée, cette jeune comédienne emporte notre adhésion, nous persuade que cette maman dans la mouise existe bien au-delà de la fiction. Dans le passage le plus extrême du film (pour ne pas dire le plus « tranchant »), elle nous transmet sa rage, sa nausée, sa force. Et quand sonne l’heure de la vengeance, elle se permet même un petit hommage à la regrettée Zoë Lund de Ms .45. Si elle était encore parmi nous, celle-ci aurait certainement remarqué que les yeux clairs de Sarah Bolger irisent le chaos. 

A Good Woman Is Hard To Find. D’Abner Pastoll. Royaume-Uni/Belgique. 2020. 1h37. Avec : Sarah Bolger, Edward Hogg, Andrew Simpson

RAMBO – LAST BLOOD : le plus sauvage d’entre tous

Un regard fatigué et hypnotisé par les ombres. Un poing serré et un autre tenant fermement une lame vorace et punitive. Des veines saillantes dans lesquelles coulent le dernier sang… Y a pas à dire, l’affiche de Rambo : Last Blood en jette un max. À soixante-dix berges passées, Sylvester Stallone est toujours debout, à peine amoché par quelques DTV refoulant des dessous-de-bras (Évasion 2 et 3, Backtrace). L’œil du tigre prêt à rugir, l’acteur nous invite à la taverne de l’enfer pour assister à un spectacle over the top et plus venimeux que le cobra… Lors de l’épisode précédent, nous avions laissé le vétéran du Vietnam sur le chemin qui mène au ranch paternel. Portant la veste militaire de First Blood et rentrant enfin chez lui après des années d’errance guerrière à l’étranger, la silhouette de l’indompté disparaissait dans un décor digne d’un western… Onze ans plus tard, John Rambo (Sly, qui d’autre ? Le Pape François ?) bosse dans ledit ranch, situé quelque part en Arizona. Il y fait vivre son exploitation en compagnie de Maria (Adriana Jusqu’en enfer Barraza), une employée devenue une amie de la famille, et la petite-fille de celle-ci, Gabrielle (Yvette Monreal). Le jour où la gamine, partie au Mexique à la recherche d’un père qu’elle connaît à peine, est séquestrée et réduite à la prostitution par des narcos, Rambo n’a pas d’autre choix que de s’engager dans une nouvelle guerre qu’il n’a pas choisie…

S’il paraît de prime abord assez incongru, le prologue façon film catastrophe de Last Blood – dans lequel Rambo joue les bénévoles pour les services de secours – n’en démontre pas moins que le personnage reste un héros, un homme courageux n’ayant pas peur d’affronter le danger. Mais un héros tapi dans les ténèbres, surgissant à l’écran tel un cowboy spectral ne faisant plus qu’un avec la nuit profonde et mouvementée. Derrière la bravoure se dissimule un passé traumatique toujours vivace, celui du Vietnam et de ses (trop) nombreuses victimes (le plan sur les sacs mortuaires est à ce sujet éloquent). Rongé par l’idée d’avoir été le seul à survivre au « merdier » et cherchant par procuration à sauver ses défunts compagnons d’armes, l’ancien béret vert ne se cache plus du monde, mais tente de s’ouvrir à lui pour se racheter. Un chemin vers la lumière ? Non, bien au contraire. L’issue dramatique de cette séquence introductive désigne plutôt l’impuissance du bonhomme face à cette faucheuse qui lui tourne autour depuis toujours et lui colle fatalement aux basques. Dès ces premières minutes nocturnes et orageuses, nous comprenons que la trajectoire de John Rambo suivra celle du quatrième opus et prendra une tangente tout aussi amère et brutale. Désormais, pour notre rescapé de l’enfer vert, l’aube ne se lèvera plus. Seul le crépuscule l’étreindra de ses longs bras rugueux et sans chaleur…

Dès lors, l’attachement de Rambo pour Gabrielle devient pour le premier une bouée de sauvetage l’empêchant de se noyer dans les abysses. L’histoire prend le temps de faire exister cette relation filiale, de tisser des liens entre deux individus ayant été confrontés au rejet (l’un a été abandonné par son pays, l’autre par son géniteur). Entre ce type coincé dans les limbes et cette ado en quête d’identité, l’émotion s’insinue et rend encore plus douloureuse la tempête à venir… Car la grande force (et l’audace) du film d’Adrian Grunberg est de faire de Rambo un psychopathe qui s’ignore, un chevalier noir instable et sous cacheton, un parano dormant dans un bunker et tentant de contrôler la bête qui sommeille en lui. Il suffit de voir l’imposant dédale qu’il a construit sous sa propriété pour comprendre que le côté obscur a fini par dévorer l’ancien bidasse. Si ce traitement sombre et atrabilaire jure avec le personnage tel qu’il a été conçu pour le First Blood de Ted Kotcheff, il se rapproche néanmoins du « tueur » implacable dépeint par David Morrell dans le roman à l’origine de la saga. Un retour aux sources non pas cinématographiques mais littéraires, qui tourne le dos aux conventions mainstream pour oser faire d’une icône populaire un protagoniste ambivalent, semant le chaos sans prêchi-prêcha et avec une fureur inespérée…

Parce qu’il embrasse frontalement, comme le dantesque John Rambo, la noirceur viscérale de son sujet, Last Blood opte pour une approche radicale, ce qui revient forcément à s’écarter des tendances actuelles. Comme à la grande époque des années 70/80, le long-métrage braconne sur les terres du revenge movie, genre sulfureux se plaisant souvent à flatter les bas instincts du spectateur. Ainsi, les exactions commises par les membres sans foi ni loi du cartel mexicain (traite des femmes et prostitution forcée) justifient sans détour la vengeance de notre chien de guerre (après avoir vu de telles ordures à l’œuvre, on n’a qu’une seule envie : les voir se faire exploser la tronche). Dans le cadre d’une (très) méchante série B de luxe, l’effet devient grisant et n’a rien de blâmable pour peu que l’on accepte les vertus cathartiques de la fiction (dans la vie réelle, les innocentes sont rarement sauvées par des justiciers, les innombrables victimes de féminicide enterrées à Ciudad Juárez sont là pour le prouver). Bien plus proche d’un Harry Brown que de Trois enterrements, ce « dernier sang » se distingue d’un banal Taken par son fatalisme prégnant, ses élans funèbres (impossible de passer à côté de ce très beau plan à la Impitoyable : Sly se recueillant devant une sépulture abritée sous un arbre aux branches tombantes) et sa hargne proprement cataclysmique…

À ce propos, bonne nouvelle : Stallone ne s’est pas assagi avec le temps. On l’a rarement vu aussi vénère, enragé, sans pitié. Qu’il utilise un marteau façon Old Boy ou piège un à un les proxo-trafiquants dans son repaire (le carnage final est jouissivement gorasse), le comédien prouve qu’il aurait pu faire un punisher des plus convaincants. Le corps usé mais solide comme un roc, Sly en impose plus que jamais, amenant avec lui la légende Rambo et en remontrant encore à la concurrence. La violence qu’il encaisse et redistribue au centuple est celle d’un monde où la paix n’est qu’une illusion, où l’innocence n’a pas sa place, où l’exploitation des êtres humains n’observe aucune limite. Si, contre toute attente, un brin d’espoir parvient à s’échapper de ce foutu brasier, c’est grâce à l’inaltérable combativité de Rambo, un baroudeur toujours « prêt à mourir pour quelque chose, plutôt que vivre pour rien ». Une autre référence à John Rambo devrait, quant à elle, déjouer toute analyse politique : « Je n’ai pas tué pour mon pays, j’ai tué pour moi ». C’est aussi le cas de Last Blood dont le final convoque avant toutes choses l’un des thèmes majeurs du western : les grands espaces et leurs frontières… Oublions donc le vil Trump et constatons plutôt les progrès effectués par Grunberg depuis son Kill the Gringo (plus de maîtrise, moins de shaky cam). Écoutons le symphonique bourrin toujours aussi inspiré de Brian Tyler (avec en prime, quelques extraits empruntés à Goldsmith). Notons la présence au générique de la trop rare Paz Vega, la sensuelle Lucia de Julio Medem. Et saluons ce Rambo V pour la puissance du coup qu’il nous assène à l’estomac.

Rambo : Last Blood. D’Adrian Grunberg. États-Unis. 2019. 1h40. Avec : Sylvester Stallone, Paz Vega, Adriana Barraza…

MANDY : Nic Cage aux Enfers

La Mandy en question n’a pas embrasé vos magnétoscopes dans les 80’s (L’Initiation de Mandy avec Traci Lords) ni fait craquer tous les mectons du coin (All the Boys Love Mandy Lane avec Amber Heard). Non, la Mandy qui nous intéresse ici (soit l’excellentissime Andrea Riseborough) est une artiste vivant paisiblement dans les bois avec son bûcheron d’homme, un dénommé Red (ce putain de Nic Cage !). La divine idylle s’interrompt brutalement lorsque débarquent le fanatique Jeremiah Sand (le très très bon Linus Roache : Vikings, Homeland) et sa bande de tarés. La secte accro aux bondieuseries extrêmes et aux partouzes sous substances hallucinogènes kidnappe Mandy pour en faire une disciple. Mais celle-ci se montre peu réceptive à cette tentative d’endoctrinement et se fout de la gueule de Sand qui n’arrive pas à faire lever sa p’tite teub d’illuminé. Conséquence : Mandy est brûlée vive sous les yeux de son compagnon, impuissant. Au supplice atroce infligé à l’être aimé, le veuf Red va répondre par une vengeance implacable… Derrière ce pur pitch de revenge movie se trouve un certain Panos Cosmatos, réalisateur d’un premier long métra(n)ge énigmatique : Beyond the Black Rainbow (2010). Mandy, le deuxième effort du fiston de George Pan Cosmatos (artisan ayant fait exploser du Viet belliqueux dans Rambo II : la mission et flinguer du malfrat givré dans Cobra) propose lui aussi une expérience de cinéma out of this world. Et franchement, vous auriez tort de ne pas venir vous perdre dans ces montagnes hallucinées…

Des plans amples et aériens survolant la forêt wallonne (Mandy a été tourné en Belgique), une bande-son planante et mélancolique bercée par le morceau Starless de King Crimson : le générique d’ouverture possède la saveur des paradis artificiels, de ceux qui font d’abord du bien et ensuite du mal. Du bien, à l’image du couple formé par Mandy et Red, deux êtres coupés du monde, enfermés dans un rêve, blottis l’un contre l’autre dans une nuit étincelante et fragile. Du mal, lorsque la peste fanatique surgit des abîmes pour détruire tout ce qui respire à la surface, faucheuse impitoyable jouissant sur les flammes comme un démon en rut. Tantôt magique, tantôt cauchemardesque, les tableaux de Panos Cosmatos se payent un look de bad trip aux contours poétiques. Les couleurs tranchent le réel comme une lame (le rouge sang éclaire autant qu’il éclabousse) et enlumine le cadre à coups de teintes saturées (Mater Suspiriorum apprécierait). Le cinéaste et son chef op Benjamin Loeb accouchent de visions saisissantes, n’hésitant pas à verser dans l’animation (à l’ancienne, façon le mythique Métal Hurlant) et à composer des plans iconiques très hard rock style (le tigre rugissant dans les ténèbres, avec une immense lune comme seul témoin). Pas de doute, l’enfer est bien plus beau sous LSD. Et il l’est encore davantage grâce au score énorme de Jóhann Jóhannsson (disparu l’an dernier à l’âge de 48 ans) qui livre là une partition hantée par des échos spectraux et torturés. Ses riffs abrasifs, ses beats obsédants et ses nappes synthétiques envoûtantes s’accordent parfaitement avec les délires graphiques de Cosmatos junior.

Cette esthétique shootée à l’acide et baroque jusqu’aux tripes montre surtout à quel point son metteur en scène aime les univers barrés et la came horrifico-fantastique. Son Mandy est une authentique bande Bis alignant les concepts les plus jouissifs. À la horde sauvage menée par ce grand malade de Jeremiah/Roache (ses pétages de plomb évoquent d’ailleurs le Dennis Hopper de Blue Velvet), s’ajoute une autre source d’emmerdes encore plus dégénérée : des bikers cénobites revisités à la manière d’un Terry Gilliam ! Connaissant ses classiques qui tachent, le Panos s’offre aussi  un hommage à The Texas Chainsaw Massacre 2 (est-ce que l’indispensable combo dvd/blu-ray du Chat Qui Fume trône en ce moment même sur vos étagères ?) via un duel à la tronçonneuse bien furibard comme il se doit. Autre fulgurance qui poutre : la hache entièrement chromée que forge Red/Cage dans la douleur, instrument de vengeance semblant sortir de l’esprit d’un Giger fortement influencé par l’heroic fantasy. À la suite de quoi, le titre « Mandy » s’affiche sur l’écran en arborant une typo qui n’aurait pas dépareillé sur la pochette d’un skeud de black metal (un branchage aliénant s’échappe de chaque lettre). Un effet qui a de la gueule ! Tout comme cette séquence où ce bon vieux Bill Duke (à tout jamais dans nos cœurs grâce à Commando et Predator) disserte avec sa badass attitude coutumière sur les obstacles attendant notre héros. Voir ce genre de choses fait immanquablement partie des petits bonheurs de la vie…

Mais la folie et la puissance de Mandy se nourrissent également du travail de Nicolas Cage qui, entre deux ou trois  DTV anonymes, s’illustre dans des projets plus singuliers et habités (d’autres exemples récents ? Le  Joe de David Gordon Green ou le Mom and Dad de Brian Taylor). Pour Panos Cosmatos, l’acteur se lâche comme jamais, laisse exploser de nouveau sa fibre genresque décomplexée (remember le chouettos Hell Driver) tout en flirtant dangereusement avec la twilight zone (qui a vu Bad Lieutenant : Escale à La Nouvelle-Orléans sait de quoi je cause). Il faut le voir entrer en transe lorsque la rage et le désespoir le bouffent intégralement pour comprendre à quel point Cage peut être possédé, allumé, cramé (instant paroxystique : après le meurtre de sa compagne, Nic déambule chez lui sans falzar, entre dans sa salle de bain, s’envoie une bouteille de vodka, s’assied sur les chiottes et se met à hurler comme un damné). Cette émotion exacerbée et autodestructrice laisse encore moins indifférent lorsque la beauté lunaire d’Andrea Riseborough vient dissiper les ombres. Vêtue d’un t-shirt de Black Sabbath ou de Mötley Crüe, lectrice de romans de SF, peintre à l’imagination épique : comment ne pas avoir le béguin pour Mandy ? C’est bien simple : si on était chez Rob Zombie, ce personnage à la sensibilité gothique/rock serait interprété par la bombe Sheri Moon… Quant à Linus Roache, il semble être taillé pour incarner les bad guys, à tel point qu’il pourrait bien devenir le nouveau Mark Strong. Je ne peux donc que vous inciter à mater ce Mandy, mix psychotronique entre Mad Max et The Crow, doté en prime d’une atmosphère qui n’appartient qu’à lui. C’est quand même plus excitant que d’aller chercher des œufs en chocolat dans le jardin, non ?

Mandy. De Panos Cosmatos. États-Unis/Belgique. 2018. 2h01. Avec : Nicolas Cage, Andrea Riseborough, Linus Roache…