FICHE TECHNIQUE Daddy, Darling. De Joe Sarno. États-Unis/Danemark. 1970. 1h31. Avec : Helli Louise, Ole Wisborg et Gio Petré (rien à voir avec feu Alain Gillot-Pétré). Genre : érotique. Sortie dvd : 02/09/2014 (Arte éditions). Maté en dvd le samedi 28 octobre 2017.
DE QUOI ÇA CAUSE ? Katja (Helli Louise) vit seule avec son père veuf. Ils ont une profonde affection l’un pour l’autre. Lorsque son père se remarie, la vie idyllique de Katja vole en éclats. Se sentant rejetée, elle trouve d’abord refuge dans un atelier auprès d’une artiste. Puis dans les bras d’un jeune homme du quartier. Mais l’extase se transforme en cauchemar lorsque Katja surprend son père et sa belle-mère au lit. Choquée, elle se précipite à l’atelier d’art où elle découvre que sa professeure entretient une relation sexuelle avec son modèle, Tanja. Abandonnée par tous ceux qui lui sont chers, Katja projette de regagner l’attention de son père en jetant le déshonneur sur sa belle-mère. Comment va-t-elle s’y prendre, et surtout, jusqu’où ira-t-elle ? Source : boutique.arte.tv
MON AVIS TÉLÉ Z Le sujet de Daddy, Darling est ô combien délicat puisqu’il aborde un désir tabou, celui d’une jeune femme de 19 ans pour son père. Très vite, l’amour filial cède la place à des pulsions plus inavouables. Les bisous ne sont plus si innocents que ça. Les petites attentions en cachent des plus vilaines. En France, le film est sorti sous le titre de Caresses interdites, ce qui donne une idée du caractère sulfureux de l’entreprise. Joe Sarno illustre même les fantasmes de Katja lors d’une séquence onirique où le clair-obscur permet intelligemment de dissimuler l’identité du partenaire masculin. Car si le climat incestueux déconcerte rapidement le spectateur, cet amour illicite n’est jamais réciproque, encore moins consommé et se heurte constamment à l’embarras du padre (Ole Wisborg et ses faux airs d’Udo Kier). Rien de scabreux là-dedans, la morale est sauve. D’autant plus que le réalisateur se montre subtil dans l’exploration des tourments sentimentalo-sexuels de son héroïne. L’érotisme n’est ici jamais une fin en soi, il permet seulement d’aborder la psyché d’une nana en proie au doute, en manque de repères. Avec un pied dans l’enfance et un autre dans l’âge adulte, Katja est paumée et ne sait pas où elle va. En s’attachant un peu trop à son géniteur, elle trahit sa peur de grandir et d’affronter sa propre intimité. Daddy, Darling suit donc le parcours initiatique d’une lolita à la recherche d’elle-même. Sarno ne s’attarde pas seulement sur les expériences charnelles de sa protagoniste (et ce malgré les courbes affolantes d’Helli Louise), il met surtout en lumière les sentiments de celle-ci, souvent contradictoires et douloureux, et semble même compatir à son errance existentielle. La vie de Katja ressemble alors à un spleen (non pas de Paris, mais du Danemark où le long-métrage a été tourné), état mélancolique qui l’amène à se balader seule au bord de l’eau, l’esprit assailli par des images la plongeant dans la confusion la plus totale. Comme à son habitude, l’auteur du génial Le château des messes noires (dispo en dvd chez Artus Films) s’intéresse davantage au point de vue des femmes qu’à celui des hommes. Sarno admet même la supériorité des premières sur les seconds en matière de plaisir des sens. Car, comme le prouve le cunni administré à notre nymphette par une amante de passage, seules les femmes savent faire du bien aux femmes. Ce qui n’empêche pas Katja de s’effeuiller dans la pénombre de sa chambre devant un gars de son âge (les éclairages sont dus au chef op’ Mikael Salomon, qui fera carrière à Hollywood dès la fin des 80’s et passera même à la mise en scène). Un joli strip rythmé par des tam-tams envoûtants. La bande originale du film – tour à tour entraînante et désenchantée – n’est d’ailleurs pas désagréable aux oreilles (on a même le droit à un petit morceau façon Beatles, mais en plus cheapos). Visuellement, outre la lumière, Joe Sarno se sert également du montage pour se livrer à quelques expérimentations (cf. les arrêts sur images du générique d’ouverture et les flashforwards du rendez-vous avec Lars). Voilà qui rattrape l’aspect roman-photo de certains passages un peu longuets. Daddy, Darling est plus convaincant lorsqu’il scrute la libido contrariée d’Helli Louise que lorsqu’il relate la vie de famille, même si celle-ci n’a rien de modèle. Au final, pas le meilleur Sarno mais un bon Sarno tout de même. 4/6
