AVA : atomique rousse

Nous avions quitté Jessica Chastain – la flamboyance faite femme – avec les périssables X-Men : Dark Phoenix et Ça : Chapitre 2. Nous la retrouvons aujourd’hui à l’affiche d’Ava (non, il ne s’agit pas d’un remake du Léa Mysius). Contrairement aux deux premiers, le troisième n’atterrit pas dans les multiplexes mais directement en SVOD. Saloperie de Covid oblige. Pas grave, on s’en contentera. Même si rien ne vaut les salles obscures, les plateformes de streaming réservent parfois quelques surprises. Récemment, Netflix nous a balancé une bourrinade éreintante dans laquelle Golshifteh Farahani joue avec un lance-roquettes (Tyler Rake), du fantastique british croisant intelligemment drame migratoire et terreur crasseuse (His House) ou encore un chouette buddy movie à l’ancienne pondu par un émule de Shane Black (Le Collecteur de dettes 2). Bien sûr, le catalogue de la société au gros « N » rouge comporte également son lot de demi-molles (The Old Guard et Enola Holmes que les excellentes Charlize Theron et Millie Bobby Brown ne sauvent que partiellement). Et qu’en est-il de ce prometteur Ava ? Disons que, à l’instar du X-Men et du Ça cités plus haut, le film ne se montre guère à la hauteur de son actrice principale. Mais surtout, il prouve une chose : que rien ne peut ternir l’aura de la toujours impeccable Jessica Chastain…

Voir la révélation de The Tree of Life en train de botter des culs fait partie de ces petits bonheurs qui ne se refusent pas. Pas de bol, ce n’est pas Ava qui nous fera sauter de joie. Malgré toute l’admiration que l’on porte à notre astre roux, impossible de ne pas tirer la tronche devant ce DTV qui ne dit pas son nom. Son pitch digne d’une prod « Nu Image » (une super tueuse devient la cible de ses commanditaires et ne se montre pas franchement coopérative) trahit d’emblée le peu d’ambition qui anime le projet. L’absence de point de vue de son réalisateur, Tate Taylor, ne vient pas arranger les choses. Pourtant, dans le joli La Couleur des sentiments, le gus a offert à la Miss Chastain un très beau rôle de desperate housewife. Dans l’honorable La Fille du train, il a su faire d’Emily Blunt une belle pocharde. Ici, il ne prend même plus la peine de diriger ses comédiens (on ne sait jamais si Colin Farrell est bon ou mauvais), se contente de cadrer des décors ternes (à l’exception d’une boîte de nuit/tripot éclairée avec les néons de John Wick), laisse la seconde équipe se démerder avec les diverses empoignades (ce qui ne suffit pas à nous faire croire aux aptitudes martiales de John Malkovich)… Déjà bien faiblard question suspense et adrénaline, Ava s’enlise encore un peu plus en frayant avec le psychodrame familial ultra convenu. Caractérisés à la truelle, les proches de l’héroïne sont ainsi réduits à des clichetons ambulants…

Il ne faut donc pas s’attendre à jubiler devant une nouvelle bombe à la Atomic Blonde (ou quand le magnétisme de la Furiosa fait péter le mur de Berlin sur une BO new wave/synthpop endiablée) ou à la Piégée (la « fight girl » Gina Carano caresse de ses coups de latte cet excitant spy movie signé Soderbergh). Cela dit, et c’est un exploit, Jessica Chastain parvient à ne pas être impactée par le marasme ambiant. Ava ne valant que pour sa présence, on peut alors dire que l’essentiel est sauf. Puisque l’entreprise ne lui permet pas de s’épanouir en tant qu’action woman, lady Jessica mise tout sur la psychologie de son personnage. Elle lui apporte une dose de fragilité, un soupçon de doute, une pincée de tragédie. Ex-alcoolo en quête de sens, Ava demande à ses victimes ce qu’elles ont bien pu faire pour mériter ça. Pire, la flingueuse pro se laisse envahir par des pulsions autodestructrices. Lors d’une tentative de suicide, la Lucille Sharpe de Crimson Peak retrouve l’intensité de l’une des scènes les plus marquantes de L’Arme fatale (souvenez-vous de ce passage où Mad Mel est sur le point de se faire sauter le caisson). Ce qui n’empêche pas Jessica Chastain de nous sortir le grand jeu quand la situation l’exige (c’est toujours un régal de la voir arborer des dessus chics – ah, cette robe rouge !). Rendons-nous à l’évidence : même dans un écrin en carton, la rousse atomique irradie tout ce qui l’entoure.

Ava. De Tate Taylor. États-Unis. 2020. 1h36. Avec : Jessica Chastain, Colin Farrell, Geena Davis

LE GRAND JEU (Aaron Sorkin, 2017)

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La prodigieuse histoire vraie d’une jeune femme surdouée devenue la reine d’un gigantesque empire du jeu clandestin à Hollywood ! En 2004, la jeune Molly Bloom débarque à Los Angeles. Simple assistante, elle épaule son patron qui réunit toutes les semaines des joueurs de poker autour de parties clandestines. Virée sans ménagement, elle décide de monter son propre cercle : la mise d’entrée sera de 250 000 $ ! Très vite, les stars hollywoodiennes, les millionnaires et les grands sportifs accourent. Le succès est immédiat et vertigineux. Acculée par les agents du FBI décidés à la faire tomber, menacée par la mafia russe décidée à faire main basse sur son activité, et harcelée par des célébrités inquiètes qu’elle ne les trahisse, Molly Bloom se retrouve prise entre tous les feux… Source : allocine.fr

Quand la phénoménale Jessica Chastain nous sort le grand jeu (bon, ça c’est fait) ! Une habitude chez la comédienne qui, avec le film d’Aaron Sorkin, trouve encore une fois un rôle à sa mesure. Faut dire que le parcours étonnant de Molly Bloom a de quoi permettre à la Maya de Zero Dark Thirty de briller jusqu’aux confins de l’univers. Et même au-delà… Skieuse pro opérée à douze ans pour une méchante scoliose, « princesse du poker » organisatrice de parties pour la jet set hollywoodienne et new-yorkaise, travailleuse indépendante tabassée par la mafia et coffrée par le FBI, l’héroïne de Molly’s game suit un destin exceptionnel. Pour l’incarner à l’écran, il fallait donc une actrice exceptionnelle. D’une beauté irradiante, aveuglante, que dis-je foudroyante, la Chastain joue à fond la carte du glam et cloue son entourage sur place. Ses postures de déesse des temps modernes se figent de manière aussi naturelle que gracieuse et semblent sortir tout droit d’une toile de maître. La grande classe number one. Un festin visuel. On n’avait pas vu ça depuis Christina Hendricks dans Mad Men. Le regard clair et intense de Jessica Chastain trahit aussi les zones d’ombre planquées dans les profondeurs de son personnage. Depuis l’enfance, Molly sent la peur de l’échec lui tordre le bide. Grandir au sein d’une famille où ne pas être la meilleure est une faute, ne peut que laisser des séquelles (difficile de faire son chemin au milieu d’un père autoritaire et de frangins sportifs de haut niveau et chirurgiens). Néanmoins, la ténacité et la persévérance finissent par payer. Maline et débrouillarde, elle est parvenue à s’imposer dans un univers qu’elle ne connaissait pas (le poker, donc) et que des hommes riches et influents dirigent dans l’ombre et la lumière. Faire sa place dans une telle jungle constitue en soi un exploit. Surtout lorsque l’on est une femme. Malgré ses déboires judiciaires, Molly Bloom reste une battante dont le point de vue s’avère bien plus moral que le monde qui l’entoure. Ses petites libertés prises avec la loi ne sont rien en regard des forfaits commis par les enflures du crime organisée ou les requins de la finance. Contrairement au DiCaprio cynique et dévoyé du Loup de Wall Street, la protagoniste du Grand jeu suscite l’empathie et fait même preuve d’abnégation (elle refuse d’entraîner quiconque dans sa chute). Ce qui n’empêche pas une énergie toute scorsesienne de doper les cent quarante minutes du long métrage. Le rythme s’adapte à celui de sa super nana dont le sens de l’observation inspire le montage et la mise en scène (des cartes à jouer apparaissent à l’écran lors d’une partie décisive). Au son d’une narration en voix off, les images défilent vite et les mots fusent. Le temps passe sans que le spectateur ne s’en rende compte. Dramaturge d’exception, Sorkin met son écriture ciselée au service de ses comédiennes et comédiens. Les échanges entre Jessica Chastain et Idris Elba s’apparentent alors à une véritable leçon de cinéma où le verbe relève aussi du grand spectacle. La figure paternelle jouée par un Kevin Costner complexe et touchant apporte aussi un supplément d’émotion à une œuvre en tout point bluffante. Bref, que vous aimiez ou non le poker, il ne vous reste plus qu’une seule chose à faire : miser gros sur Le Grand jeu et l’époustouflante Jessica Chastain.

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Molly’s Game. D’Aaron Sorkin. États-Unis. 2017. 2h20. Avec : Jessica Chastain, Idris Elba et Kevin Costner. Maté en salle le 07/01/18.

MISS SLOANE (John Madden, 2016)

150363.jpg-r_1920_1080-f_jpg-q_x-xxyxxMiss Sloane. De John Madden. États-Unis/France. 2016. 2h12. Avec : Jessica Chastain, Mark Strong et Gugu Mbatha-Raw (et aussi Sam Waterston et John Lithgow). Genre : thriller. Sortie France : 08/03/2017. Maté à la téloche le dimanche 9 juillet 2017.

De quoi ça cause ? Elizabeth Sloane (Jessica Chastain) est une femme d’influence brillante et sans scrupules qui opère dans les coulisses de Washington. Face au plus grand défi de sa carrière, elle va redoubler de manigances et manipulations pour atteindre une victoire qui pourrait s’avérer éclatante. Mais les méthodes dont elle use pour parvenir à ses fins menacent à la fois sa carrière et ses proches. Miss Sloane pourrait bien avoir enfin trouvé un adversaire à sa taille. (source : Allociné.fr)

Mon avis Télé Z : Pendant plus de deux heures, Miss Sloane nous plonge en immersion dans les arcanes du lobbying à l’américaine. Un univers impitoyable dans lequel tous les moyens sont bons pour influencer sa proie et l’inciter à prendre les décisions qui vous conviennent. Les stratégies mises en œuvre sont aussi bluffantes que retorses, le scénario dévoilant avec une précision absolue les ressorts d’un monde où règne la manipulation et la duperie. Le film ne choisit pas la facilité en abordant le tabou du port d’armes à feu aux États-Unis. Entre les pros et les antis, une guerre éclate en coulisses. Les premiers défendent le droit de tirer sur son voisin, tandis que les seconds ne demandent qu’un contrôle plus rigoureux, en vertu d’un projet de loi bientôt soumis au vote. Chaque partie sert ses propres intérêts et n’hésite pas à instrumentaliser la souffrance des victimes de la libre circulation des flingues. En réalité, ces groupes de pression poussent les politiques à se dévoyer et leurs manigances engendrent bien souvent chantage et corruption (trafic d’influence, conflit d’intérêts…). Des procédés qui ruinent la démocratie de l’intérieur et récompensent surtout les plus pourris. Telle est la conclusion, amère et lucide, de Miss Sloane. Une œuvre à l’image de son héroïne : passionnante, complexe et sous perfusion de Red Bull. Madeline Elizabeth Sloane est ce qui s’appelle une tueuse. Une femme qui ne vit que pour le boulot et la gagne. Opiniâtre et coriace, elle est prête à tout pour arriver à ses fins, quitte à se compromettre dans l’illégalité, voire même à se brûler les ailes. Brillante, elle assure toujours ses arrières et anticipe à chaque fois les coups de ses ennemis (le twist final en constitue la magistrale preuve). Assurément la meilleure dans ce jeu d’échecs. Indépendante et peu portée sur les sentiments, Madeline Elizabeth Sloane souffre pourtant en silence. Ayant tout sacrifié pour devenir la reine du lobbying, elle se donne à 100% jusqu’à se rapprocher dangereusement du point de rupture. La solitude fissure le bloc de glace dans lequel elle se protège des relations humaines. Le script a la bonne idée de ne jamais tenter de moraliser le personnage ni de faire de la psychologie de bazar en dévoilant son passé. Au contraire, il laisse au spectateur la possibilité de s’interroger sur les réelles motivations de son anti-héroïne. A-t-elle agit par conviction ou par goût du challenge ? Le doute subsiste et nuance le caractère de la Miss Sloane dont les zones d’ombre ne peuvent la réduire à un concentré de cynisme. Et il fallait bien toute la flamboyance, la force et la finesse de Jessica Chastain pour incarner à un tel rôle. Celle qui a déjà été dirigée par John Madden dans L’affaire Rachel Singer (2011) se révèle ici plus prodigieuse que jamais. La comédienne dévore le Scope de son regard perçant, achève la bande-son de ses mots incisifs et nous laisse sur les rotules, le souffle coupé, complètement K.O. La Chastain s’investit totalement dans son art et domine l’image, gouverne les sens. Elle est impériale. Normal, c’est une impératrice. 5/6

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Derrière Jessica Chastain, le Capitole devient aussi flou que les rouages de la politique américaine…

MAMÁ (Andrés Muschietti, 2013)

MamaMamá. D’Andrés Muschietti. Espagne/Canada. 2013. 1h40. Avec : Jessica Chastain, Nikolaj Coster-Waldau (dit le Régicide) et Megan Charpentier. Genre : fantastique/épouvante. Sortie dvd/blu-ray : 01/10/2013 (Universal Pictures). Maté en blu-ray le samedi 6 mai 2017.

De quoi ça cause ? Il y a cinq ans, deux soeurs, Victoria et Lily, ont mystérieusement disparu, le jour où leurs parents ont été tués. Depuis, leur oncle Lucas (Nikolaj Coster-Waldau) et sa petite amie Annabel (Jessica Chastain) les recherchent désespérément. Tandis que les petites filles sont retrouvées dans une cabane délabrée et partent habiter chez Lucas, Annabel tente de leur réapprendre à mener une vie normale. Mais elle est de plus en plus convaincue que les deux soeurs sont suivies par une présence maléfique… (source : Dvdfr.com)

Mon avis Télé Z : Tout film avec Jessica Chastain se doit d’être vu et Mamá n’échappe pas à la règle. Deux ans avant Crimson Peak, la flamboyante rouquine se frotte à l’épouvante avec succès. Pour l’occasion, elle adopte un look punk rock qui lui sied à merveille et défend son personnage avec toute la subtilité et la grâce qu’on lui connaît. Jessica joue Annabel, une bassiste ayant peu d’affinités avec les gosses – et ne désirant pas en avoir – mais que les évènements vont pousser à protéger deux gamines perturbées par l’omniprésence d’une mère ectoplasmique. Le film oppose deux visions de la maternité. Une qui se mérite et évolue au fil de sentiments réciproques; et une autre qui s’impose de façon autoritaire, quitte à tuer pour cela. Dans un cas comme dans l’autre, devenir mère est un sacrifice, comme le montre une conclusion déchirante en forme de faux happy end. En cours de route, le premier rôle masculin (Nikolaj Coster-Waldau, très impliqué) s’efface d’ailleurs pour laisser la place au duel Annabel/Mamá. Un face-à-face entre deux trajectoires féminines différentes; l’une tournée vers la lumière et la vie, l’autre vers la folie et la mort… Tragédie maternelle et familiale, Mamá s’articule autour d’un socle émotionnel fort et s’inscrit dans la continuité des bandes fantastiques espagnoles des années 2000 (L’orphelinat en tête). Le script en reprend scrupuleusement la mécanique, sans éviter les passages obligés du genre (l’enquête du psy nous dévoilant les origines du spectre vindicatif). Si son intrigue ne sort pas vraiment des sentiers battus (ce qui ne veut pas dire qu’elle ne fonctionne pas), le premier long d’Andrés Muschietti (qui développe ici l’un de ses propres courts) se rattrape aisément sur le plan visuel. Jouant sur le plan fixe, le hors-vue et le hors-champ, le jeune cinéaste se sert de toutes les ressources de la mise en scène pour faire naître le frisson. Le cinéaste argentin fait preuve d’une belle imagination lorsqu’il s’agit de suggérer la présence de Mamá dans le cadre, et sait aussi tirer parti de l’obscurité pour optimiser ses effets. Même les CGI ne ruinent jamais les apparitions – souvent spectaculaire – de l’esprit vénère. Rien d’étonnant quand on a un producteur aussi attentif que Guillermo del Toro. 4,5/6

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Quelque chose se cache dans la maison de Jessica Chastain, quelque chose de tordu et de possessif qui n’apprécie guère que l’on s’occupe des gamines à sa place…