TENDER FLESH : chair pour Jess Franco

Après des débuts placés sous le signe du gothique espagnol (L’Horrible Docteur Orlof, 1962), plusieurs collaborations avec de grands producteurs du cinoche populaire (Harry Alan Towers, Robert de Nesle) et une expérience plus ou moins heureuse avec les bisseux d’Eurociné (allant du sublime La Comtesse Noire au bien Z L’Abîme des morts-vivants), Jess Franco aborde la fin des 80’s et le début des 90’s de manière beaucoup plus discrète. Les tournages frénétiques s’espacent d’année en année et el cineasta semble subir de plein fouet la fin d’une époque (triste période que celle voyant la fermeture des salles de quartier, les unes après les autres…). Mais le gaillard n’a pas l’intention de prendre sa retraite (avec ou sans points) et cherche par tous les moyens de filmer, encore et toujours. Alors que les opportunités de financement se font de plus en plus rares en Europe, une structure indé américaine (One Shot Productions) est prête à lui filer un petit coup de main. L’occasion pour l’Oncle Jess de rompre avec les commandes du style Dark Mission (1988) et de ressentir des vibrations plus personnelles. Ce projet providentiel s’intitule Tender Flesh et permet à son auteur de revisiter Les Chasses du Comte Zaroff à la façon du Marquis de Sade (ce qu’il avait déjà fait avec La Comtesse Perverse en 1974, avec dans le rôle-titre une si cruelle, si désirable Alice Arno). Le script est bien rodé : Madame et Monsieur Radeck (Lina Romay en rabatteuse et Alain Petit en « cuisinier »), un couple vicelard et plein aux as, invitent la strip-teaseuse Paula (Amber Newman) à venir prendre du bon temps dans leur résidence insulaire. En compagnie de deux autres amants dépravés, la Baronne Irina (Monique Parent) et un certain Kallman (Aldo Sambrell), la convive ne se doute pas que ses hôtes sont en réalité des prédateurs adeptes de la chair humaine…

Avec ce tardif Tender Flesh (1997, tout de même), Jesús Franco Manera semble retrouver une seconde jeunesse et avec elle la ferveur artistique. Le making of présent sur la galette artusienne (et shooté avec son handycam Hi8 par Alain Petit himself) nous le montre en train de diriger ses comédiennes, de répéter avec elles, de s’allonger par terre pour cadrer un plan en contre-plongée, de préparer avec soin telle ou telle scène. Ces images sont d’autant plus précieuses qu’elles tordent le cou aux idées reçues selon lesquelles le sadique Baron Franco ne serait qu’un vulgaire tâcheron. Mieux encore, elles confirment que l’auteur de Venus in Furs a su traverser les époques (il est dans le métier depuis les fifties), s’adapter à une nouvelle équipe technique (essentiellement composée de vingtenaires, trentenaires dévoués) et rester fidèle à lui-même (jusqu’à son ultime péloche, il restera ce punk accro au 7ème art). Néanmoins, si Tender Flesh représente un tournant dans la filmo impressionnante du p’tit Jesús, c’est aussi parce qu’il est le dernier de ses opus à profiter encore de l’usage de la pellicule. Avouons, toutefois, que le format adopté pour l’occasion, le 16 mm, n’est pas des plus gracieux (formellement parlant, ça n’arrive pas à la cheville du 35 mm d’antan). Mais ces considérations esthétiques ne pèsent pas lourd face au grand retour des obsessions franquiennes. Et pour bien faire les choses, elles débutent carrément avec une citation tirée d’Ulysse de James Joyce : « God made food, the devil the cooks » (« Dieu a fait l’aliment, le diable l’assaisonnement »). Encore que la chair tendre se déguste ici au-delà du bien et du mal, avec la liberté de jouir jusqu’au crime. Chez el siniestro doctor Franco, le divin Marquis a toujours sa place à table (le premier a d’ailleurs souvent adapté les écrits du second)…

On retrouve dans Tender Flesh, ce qui caractérise le plus le réal aux mille pseudos et en a fait un maître de l’érotisme : une manière particulière de suspendre le temps afin de caresser avec les yeux le corps de ses nymphes. Sans oublier une certaine tendance à pousser le stupre vers des rivages insolites. Ce désir trouble s’assouvit, pour notre plus grande volupté, à travers de nombreuses fulgurances bien gratinées. Notamment, le numéro scénique d’une Amber Newman tripotant jusqu’à l’orgasme les phallus démesurés de deux pantins cauchemardesques (le tout éclairé façon Café Flesh). Ou la même recevant d’innombrables coups de fouet alors que des effets kaléidoscopiques contaminent l’écran (un écho aux supplices subis par l’incandescente Marie Liljedahl dans Les Inassouvies). À ces fantasmes baroques trahissant le penchant de Franco pour l’expérimentation et l’onirisme, il faut ajouter un morceau de bravoure comme on en voit peu. À savoir celui où la soubrette Furia (Analía Ivars) se soulage la vessie dans une poêle et en fait goûter le contenu au « masterchef » Alain Petit… Dans cette joyeuse atmosphère de débauche, la légendaire Lina Romay (dont le personnage se prénomme Gorgona, ça le fait !) ne démérite pas et prend visiblement son pied à jouer les chatouilleuses méphistophéliques. Devant l’œil lubrique de son éternel compagnon, la « Rolls-Royce Baby » dévoile son sexe brillant et déclame avec gourmandise quelques répliques croquignolettes (« Pour vous Seigneur, deux garces pour le prix d’une ! »).

Outre notre Lina adorée, l’autre brune piquante du film n’est autre que la susmentionnée Analía Ivars (un ex-membre de l’escadron des panthères mené par Sybil Danning). Impossible de ne pas être submergé par la sensualité de cette insatiable Furia. Cette flor de perversión promène sa langue sur tout ce qui bouge et même sur les talons en latex de la miss Gorgona… Dans les griffes des maniaques, la mimi Amber Newman (l’une des habituées des Sex Files) passe plutôt bien de la candeur à la lascivité même si sa compatriote Monique Parent paraît plus à l’aise dans cet enfer des plaisirs. Scream Queen au CV conséquent (cent cinquante titres dont l’Hollywood Night Péchés Capitaux avec Tanya Roberts et moult travaux pour des cadors du Bis comme Wynorski, Olen Ray ou DeCoteau), « Momo » se montre hautement convaincante en aristo désaxée (pour Franco, son charisme évident et sa blondeur glaciale la rapprocheraient d’une Maria Rohm). Des actrices avec un petit slip à fleurs (ou avec une culotte transparente) parmi lesquelles se délecte ce vieux canasson d’Aldo Sambrell (une gueule du western italien, mais pas seulement, vue chez Leone et Corbucci) et le collaborateur, ami et spécialiste du Jess, Mister Petit en personne (il faut le voir chanter son mythique « La vie est une merde » dans un autre effort de l’Espagnol fou : Lady Porno aka Midnight Party, 1976).

Dans ce Carne Fresca (le titre hispanique préfère la « chair fraîche »), Jesús Franco semble prendre conscience du culte qui l’entoure et insuffle à l’entreprise une dimension méta à laquelle les producteurs et fanboys de chez One Shot ne sont certainement pas étrangers (Orson Welles est évoqué au détour d’un dialogue, comme pour rappeler que le parcours de ce dernier a croisé un jour celui de Franco). Et dans ce même élan, le second degré s’invite lui aussi à la fiesta, tout spécialement durant la traque finale (des applaudissements et des rires de sitcom couvrent cette séquence supposément dramatique). Second degré bientôt rejoint par ce si chère (chair ?) humour noir (pour ne pas dire macabre) qui, pour sa part, relève la sauce d’un ultime plan bien corsé (les outrances du futur Hannibal de Sir Ridley ne sont pas loin). À travers l’enregistrement des ébats sulfureux par le cuistot anthropophage, le film interroge aussi le spectateur sur sa position de voyeur… Une sorte de mise en abyme, en somme.

En ce qui concerne les décors naturels offerts par la Costa del Sol, on peut dire qu’ils ont été exploités de façon fichtrement astucieuse (ou comment simuler une forêt subtropicale déserte… à quelques mètres de la circulation !). Mieux encore : sur une bande-son aussi inspirée que variée (orgue funèbre, vocalise mélancolique, rock et folk entraînants), ce sont encore une fois les femmes qui dominent le plus dangereux des jeux. À l’instar de Montserrat Prous, sacrifiée sur l’autel de la libido masculine dans Le Journal intime d’une nymphomane, les amazones de Tender Flesh savent de quoi sont capables les hommes. En conséquence de quoi, elles prennent les devants et inversent les rôles. Que l’on se souvienne également de la toute-puissante et sans pitié Shirley Eaton dans Sumuru, la cité sans hommes; de la sexorciste conquérante Pamela Stanford dans Les Possédées du diable; de Britt Nichols et Anne Libert, créatures de la nuit vivant pour l’extase, respectivement dans La Fille de Dracula et Les Expériences érotiques de Frankenstein. Longue vie à la chair !

Tender Flesh/Carne Fresca/Boccato di Cardinale. De Jess Franco. Espagne/États-Unis. 1997. 1h31. Avec : Amber Newman, Lina Romay, Monique Parent…

CRIMES DANS L’EXTASE (Jess Franco, 1971)

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Alors que le docteur Johnson mène des recherches peu orthodoxes sur les embryons humains tout en coulant une existence heureuse auprès de sa jeune épouse, il subit les critiques d’un comité médical qui rejette ses découvertes. Ayant perdu son travail, Johnson s’ouvre les veines, laissant une veuve d’abord éplorée, puis prompte à venger le suicide de son mari. Elle décide d’attirer dans son lit chacun des membres du comité avant de les assassiner… Source : arte.tv/fr

Crimes dans l’extase, un titre sadien qui en a connu d’autres : Lubriques dans l’extase, Elle tuait dans l’extase, She Killed in Ecstasy, Sie tötete in Ekstase. Mais quel que soit le blaze qu’on lui donne, c’est surtout une œuvre précieuse, adulée, culte pour tout francophage qui se respecte. Merci donc à la chaîne Arte d’avoir encore fait preuve d’ouverture culturelle en diffusant la bête lors d’une soirée dédiée à son producteur Artur Brauner. Sur le tournage de Sie tötete in Ekstase, ce dernier peut d’ailleurs s’estimer heureux en affaires. Pour pas un rond ni une seule journée de taf en plus (ou si peu), l’ami Jess ne lui livre pas un seul film mais deux (ou plutôt deux et demi, pour être précis). Capable de bosser plus vite que son ombre et de s’adapter à un budget de misère, Franco emballe Der Teufel kam aus Akasava avec l’équipe de Crimes dans l’extase. En parallèle, il trouve même le temps de s’atteler à Juliette de Sade dont le tournage est interrompu suite à la disparition soudaine de sa vedette, Soledad Miranda. Le 18 août 1970, sa carrière est stoppée net par un accident de la route survenu au Portugal. Elle n’avait que vingt-sept ans et encore beaucoup de rêves à réaliser. Ce sale coup du destin n’a pas empêché la jeune actrice de marquer les esprits et de laisser une empreinte indélébile sur le cinéma Bis. Dans cette relecture de l’histoire de Miss Muerte, Soledad Miranda joue les anges exterminateurs en dévoilant ses charmes et ses talents de comédienne. Sous une longue cape pourpre cachant une silhouette délicieuse et impudique, elle nous fait ressentir toute la souffrance de son personnage et exprime en voix off l’immense tristesse qui l’assaille. Les yeux de Soledad traduisent intensément cette perte inconsolable de l’être aimé, ce que Franco souligne à l’aide de gros plans sur le visage de sa muse. La Comtesse Carody de Vampyros Lesbos passe constamment de la veuve éplorée à la femme fatale, du deuil impossible à la punition libératrice, des larmes d’une épouse au sang du châtiment. Pour que justice soit faite, elle traque ses proies, les envoûte et se sert du sexe pour donner la mort. Puis le récit avance, plus la señora Miranda se transforme en une sorte de spectre assassin, ombre lascive et létale délivrant une sentence à laquelle ses victimes ne peuvent échapper (une réminiscence de la vénus à la fourrure sublimée par Maria Rohm, le plus beau rôle de cette blonde autrichienne qui s’est éteinte le 18 juin dernier). Bercé par un romantisme noir aux contours déviants (l’amour fou confine ici à la nécrophilie), She Killed in Ecstasy s’achève en apothéose sur un final tragique évoquant de façon prémonitoire le triste sort de son actrice principale. Pas de happy end à la con, donc. En revanche, la musique psychédélique de Manfred Hübler et Sigi Schwab contraste avec la violence des images et le désespoir de son héroïne. Si leur bande originale n’invite pas au spleen, elle apporte tout de même à l’ensemble un supplément d’étrangeté. Cet entraînant pas de côté connaît toutefois une petite pause avec la présence assez brève d’un morceau élégiaque plus en accord avec l’esprit du long-métrage. Un extrait que l’on doit certainement au grand Bruno Nicolai, le compositeur étant également crédité au générique. Les décors participent aussi à ce décalage tonal, Franco multipliant les plans larges sur un littoral espagnol ensoleillé (Alicante, ville portuaire située au bord de la Méditerranée). Mais là encore, en marge de ces panoramas touristiques, un élément discordant vient nous rappeler qu’on est pas là pour se taper un film de vacances. La demeure hors-norme de l’architecte Ricardo Bofill, château aux formes baroques trônant au sommet d’une falaise, correspond davantage à l’excentricité et à l’avant-gardisme de l’oncle Jess (on peut revoir la bâtisse dans La Comtesse perverse et les détails de la villa dans Plaisir à trois). L’extase est aussi à chercher du côté des interprètes fétiches du cinéaste ibérique. Outre la regrettée Soledad, les gueules patibulaires d’Howard Vernon et de Paul Müller – ainsi que la bobine beaucoup plus avenante de la suédoise Ewa Strömberg – assurent une bonne partie du spectacle. Le Jess Franco acteur se joint lui aussi à la fiesta et – derrière la caméra – n’oublie pas de livrer une mise en scène aussi libre que soignée (et moins portée sur le zoom que d’habitude). Quant à Horst Tappert, futur inspecteur Derrick, c’est à lui que revient l’honneur de résumer les terribles événements de Crimes dans l’extase : « c’est affreux mais quelle belle preuve d’amour ».

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Sie tötete in Ekstase. De Jess Franco. Allemagne/Espagne. 1971. 1h17. Avec : Soledad Miranda, Fred Williams et Ewa Strömberg. Maté à la téloche le 02/08/18.

LE DIABOLIQUE DOCTEUR Z (Jess Franco, 1966)

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Le docteur Zimmer se livre à d’étranges expériences sur le cerveau humain. Violemment critiqué par ses confrères, il succombe à un malaise cardiaque mais fait promettre à sa fille de mener à bien ses travaux. Cette dernière entreprend une série de machinations diaboliques afin de supprimer les savants qui se sont opposés à son père. Source : dvdfr.com

« Incontestablement, Miss Muerte est un chef-d’œuvre, sans doute le meilleur film de la première période espagnole de son auteur ». Voilà comment l’érudit Alain Petit nous présente Le Diabolique Docteur Z – ou Dans les griffes du maniaque – dans son indispensable pavé, Jess Franco ou les prospérités du Bis. Impossible de le contredire tant le cinéaste se montre ici particulièrement inspiré. Grâce au producteur français Serge Silberman et à quelques pesetas venues d’Espagne, l’oncle Jess se voit confier un budget décent, ce qui n’est (et ne sera) pas toujours le cas. Au scénario, l’homme de lettres Jean-Claude Carrière élabore avec le réalisateur ibérique une histoire dont l’argument doit autant à La Mariée était en noir de William Irish qu’à L’Étrange cas du docteur Jekyll et de M. Hyde de Robert Louis Stevenson. Du premier, le duo ne conserve que l’idée de vengeance; du second, son postulat scientifique prétendant isoler les cellules du bien et du mal. De quoi faire frémir les salles de quartier quand celles-ci étaient encore légion dans les années 1960. À cette époque, Jess Franco participe encore à l’émergence d’un fantastique à l’européenne au même titre qu’un Bava ou un Freda. Depuis L’Horrible Docteur Orloff (aka Gritos en la noche, 1962), le petit Jesús façonne une œuvre à la fois dans l’air du temps et très personnelle. Et pour montrer que ses films s’inscrivent tous dans un seul et même univers, il n’hésite pas à faire des clins d’œil à son propre travail et à renouer avec ses obsessions. Dans Le Diabolique Docteur Z, le nom d’Orloff est mentionné au détour d’un dialogue (le savant fou se paye une réputation à la Frankenstein), l’action se situe dans la ville imaginaire d’Hölfen (là où se déroulent également Gritos en la noche, Le Sadique Baron Von Klaus et Les Maîtresses du Docteur Jekyll) et l’influence principale de Gritos… – Les yeux sans visage de Franju – est encore citée (victime d’une brûlure partielle à la figure, Mabel Karr s’opère elle-même face à un miroir !). Dingue de 7ème art, Jess Franco en profite aussi pour caser ici et là quelques références cinéphagiques. La plus évidente se manifeste à travers la réplique suivante : « C’était Bresson : un condamné à mort s’est échappé ! ». Savoureux ! Mais avant toute chose, l’assistant d’Orson Welles sur Falstaff rend avec Miss Muerte un bel hommage à l’auteur de La Soif du mal. Cadrages variés et dynamiques (chouette contre-plongée totale sous un escalier en colimaçon), noir et blanc expressionniste (donnant à l’ensemble un côté film noir), parenthèses oniriques de toute beauté (Estella Blain hypnotisant Howard Vernon dans un train subitement plongé dans les ténèbres) : d’un point de vue formel, le long-métrage nous apparaît comme soigné, maîtrisé, abouti. Les décors contribuent également à rassasier les mirettes notamment lorsqu’ils convoquent le spectre de l’épouvante gothique et les délices des serials d’antan (le repaire de la fille Zimmer est un manoir abandonné qui cache dans ses souterrains un labo disposant d’un matos extravagant). À cette cuisine bien plus digeste que n’importe quelle émission façon Top Chef, l’ami Jess ajoute ses propres ingrédients, à commencer par un érotisme subtil et suffisamment évocateur pour faire son petit effet. La séquence qui introduit Estella « Miss Death » Blain en est une superbe illustration. Sur une scène de cabaret, une veuve noire en résille tisse sa toile et attire dans ses filets un mannequin, silhouette masculine envoûtée et pétrifiée par le spectacle (le genre de numéro qui en annonce bien d’autres dans la filmo de Franco). Un instant insolite et sensuel, animé par la blondeur irradiante de la merveilleuse Blain. Face à cette actrice et chanteuse disparue trop tôt (en 1982, à l’âge de 51 ans), la diabolique Mabel Karr affiche un regard dément, un faciès austère et un désir de vengeance inébranlable. Outre la présence incontournable de Monsieur Vernon, Franco lui-même et son compositeur fétiche Daniel White (qui signe ici un joli score jazzy) se distinguent au générique en campant des flics débonnaires et décontractés. Un bonhomme plein de ressources, ce Jess. Joyau étrange et lascif, fantasme fétichiste et macabre, titre marquant du midiminuisme et d’un type de cinéma malheureusement révolu, Le Diabolique Docteur Z constitue l’une des réussites majeures d’un auteur souvent incompris et qui ne mérite en aucun cas l’étiquette de tâcheron que certains esprits paresseux lui ont collé. En plus de cinquante ans de carrière, il a fait briller toutes les couleurs du Bis, tout en sublimant d’inoubliables comédiennes telles que Soledad Miranda, Maria Rohm, Rosalba Neri, Marie Liljedahl, Anne Libert, Britt Nichols, Alice Arno, Brigitte Lahaie ou encore cette très chère Lina Romay. Qui dit mieux ?

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Miss Muerte. De Jess Franco. France/Espagne. 1966. 1h27. Avec : Estella Blain, Mabel Karr et Howard Vernon. Maté en blu-ray le 16/06/18.