DEUX YEUX MALÉFIQUES : les regards qui tuent

Après avoir collaboré sur le film de revenant ultime (Le Lac des morts-vivants ? Non, Zombie !), Dario Argento et George A. Romero se retrouvent une petite dizaine d’années plus tard pour les besoins de Deux yeux maléfiques. Un double programme conçu autour de l’œuvre d’Edgar Allan Poe et chapeauté par le réalisateur de Suspiria. L’idée ? Chacun se charge d’adapter l’une des nouvelles du maître de la littérature gothique. Tandis que l’italien s’occupe du Chat noir, l’américain opte pour La Vérité sur le cas de M. Valdemar. Au départ, le projet se montrait même plus ambitieux puisqu’il devait également réunir d’autres « masters of horror » : Stephen King, John Carpenter et Wes Craven. Mais l’indisponibilité de ces derniers (on parlera plutôt de refus en ce qui concerne King : il ne veut plus rien shooter après sa mauvaise expérience sur Maximum Overdrive) contraint Argento à revoir sa copie. N’ayant pas plus de chance avec Clive Barker et Richard Stanley, le maestro doit faire le deuil du film à sketches qu’il a en tête. En revanche, il peut toujours compter sur son pote Romero… Production transalpine tournée à Pittsburgh (le fief de l’auteur de Martin), Two Evil Eyes ne satisfait pas totalement Big George. La postprod’ étant délocalisée au pays du giallo, il n’a pas eu le temps de fignoler certains effets (l’environnement sonore le laisse notamment sur sa faim). Quoi qu’il en soit, Due Occhi Diabolici ne rencontrera le succès ni en Italie ni aux États-Unis. En France, il ne sera pas davantage plébiscité malgré un passage au festival d’Avoriaz en 1991… 

Et pourtant, Deux yeux maléfiques est un rendez-vous avec la peur qu’il serait bien dommage de manquer. Dans la filmo respective de nos deux immenses cinéastes, il n’a rien d’un vilain petit canard. Il est vrai que, à l’orée des 90’s, la carrière de Romero et d’Argento commence un peu à battre de l’aile. L’âge d’or des années 70/80 s’éloigne tout doucement. L’ami George subit l’échec commercial du génial Incidents de parcours (aka Monkey Shines, 1988) et l’amico Dario emballe le plus qu’inégal Trauma (1992). Mais ceux qui ont révolutionné le fantastique et l’horreur ne sauraient avoir honte de Two Evil Eyes. Leurs relectures contemporaines des écrits de Poe se démarquent habilement des adaptations de Corman (huit récits en « costumes » s’étalant de 1960 à 1965); et en particulier de L’Empire de la terreur (1962), une anthologie comprenant déjà une version ciné du Chat noir et de La Vérité sur le cas de M. Valdemar. Et pour mener à bien Deux yeux maléfiques, le duo Argento/Romero a su s’entourer des meilleurs : Pino Donaggio (compositeur fétiche de De Palma, également derrière le score de Trauma), Tom Savini (magicien des trucages gores ayant taché de sang la plupart des pépites romeriennes) et une flopée d’actrices et d’acteurs qui méritent le respect (Adrienne Fog Barbeau, Tom Halloween III Atkins, John Haute Sécurité Amos, Harvey Saturn 3 Keitel, Sally Best of the Best Kirkland…). Des atouts parmi tant d’autres qui font de Due Occhi Diabolici une pièce macabre digne de ses glorieux géniteurs.

Deux yeux maléfiques s’ouvre sur des images captées par Argento sur les lieux de vie et de mort d’Edgar Allan Poe (des plans dévoilant l’intérieur de la maison et la tombe du romancier). Après cette courte intro en forme d’hommage au « Corbeau », c’est à Romero que revient l’honneur de déclencher les hostilités horrifiques. Celui à qui l’on doit le surprenant The Amusement Park (un trésor longtemps considéré comme perdu mais désormais visible) se penche donc sur le cas de M. Valdemar. Au quart de tour ? Pas vraiment puisque le bonhomme en question est un vieillard mourant que manipulent son épouse (la grande Barbeau) et l’amant de celle-ci. Le couple adultère utilise l’hypnose afin de falsifier le testament du malade et lui siphonner toute sa fortune. Mais lorsque le père Valdemar passe l’arme à gauche, sa voix revient de l’au-delà pour tourmenter les deux escrocs… Le segment de Romero ressemble à un épisode des Contes de la crypte dirigé par Hitchcock. Dans ce thriller aux enjeux crapuleux, le « roi des morts-vivants » cultive le suspense et suscite la frousse, bascule le réel (déjà bien sordide) dans un ailleurs hanté par des entités menaçantes (elles se font appelées « Les Autres » mais n’ont pas le visage de Nicole Kidman). Au passage, un savoureux « They’re coming for you, Jessica » (clin d’œil à Night of the Living Dead) se fait entendre, des transfuges de Creepshow (1982) se donnent à nouveau la réplique et le script peut aussi s’apprécier comme une satire sociale où la cupidité mène inéluctablement au pire. Pas de doute, nous sommes bien chez le regretté George Romero. Bon sang, qu’est-ce qu’il nous manque…

Contrairement à La Vérité sur le cas de M. Valdemar, Le Chat noir a maintes fois été caressé au cinéma. Après les versions d’Edgar G. Ulmer, Sergio Martino ou encore Lucio Fulci, c’est au tour de Dario Argento d’adopter le matou diabolique (petite précision : il n’a qu’une seule queue et non neuf). Grand admirateur de Poe, le papa de la « Troisième Mère » cite à plusieurs reprises les travaux du célèbre écrivain. Le personnage principal se nomme Roderick Usher, la lame infernale du Puits et le pendule reprend du service, un portrait de Baudelaire (traducteur de Poe) sert de décoration murale… Un fan, le Dario. Avec une bonne dose d’humour noir, son Gatto nero assiste à la frénésie meurtrière d’un photographe à l’inspiration morbide (Keitel, malsain à souhait). En outre, l’ancien compagnon de Daria Nicolodi s’autorise une parenthèse onirique des plus inspirées (un cauchemar sur fond de rite moyenâgeux) et, à travers la présence de Martin Balsam, se paye une référence à Psychose (l’ex-détective privé Arbogast pénètre chez le tueur mais renonce cette fois-ci à monter les escaliers, on ne l’aura pas deux fois). Mais surtout, Dario Argento ne recule devant aucun défi technique. Les mouvements d’appareil sont toujours autant acrobatiques, à commencer par les visions subjectives du fameux minou ou le très gros plan accompagnant la chute d’une clé. Étourdissant, à l’image de ces coups de feuille de boucher d’une violence inouïe… Romero, Argento : deux inégalables conteurs d’histoires extraordinaires.

Due Occhi Diabolici/Two Evil Eyes. De George A. Romero et Dario Argento. Italie/États-Unis. 1990. 2h00. Avec : Adrienne Barbeau, Harvey Keitel, Madeleine Potter

QUATRE MOUCHES DE VELOURS GRIS + TÉNÈBRES + DARIO ARGENTO, SOUPIRS DANS UN CORRIDOR LOINTAIN : Argento vivo !

Il y a un an, Les Films du Camélia rendaient déjà hommage à Dario Argento. Cet été, le distributeur renfile ses gants de cuir à l'occasion de la deuxième partie de sa rétro consacrée au "magicien de la peur". Au programme : des mouches soupirant dans les ténèbres d'un corridor lointain... Il ne nous reste plus qu'à espérer une troisième salve de restaurations pour juillet 2020, avec les copies neuves d'Inferno et Le Syndrome de Stendhal...

Le musicien Roberto Tobias, un batteur officiant dans un groupe de rock, est harcelé par un homme mystérieux qui ne cesse de le suivre. Décidant un soir de le prendre en chasse, Roberto réussit à le rejoindre mais au cours de la dispute qui s’ensuit, il le tue accidentellement… Le tout sous l’objectif d’un appareil photo tenu par un second inconnu, quant à lui masqué… Pitch : les Films du Camélia.

Après L’Oiseau au plumage de cristal et Le Chat à neuf queues, Quatre mouches de velours gris vient clore en beauté la fameuse Trilogia degli animali de Dario Argento. Mais contrairement à ses grands frères, ce dernier a été tardivement redécouvert, faisant du film l’une des pièces les plus méconnues de son auteur. La faute à son distributeur, la Paramount, qui n’a jamais souhaité l’exploiter correctement et en a (trop) longtemps détenu les droits… En 2012, l’injustice a été réparée grâce à la sortie providentielle du dvd/blu-ray paru chez Wild Side dans sa collection « Les Introuvables ». Depuis Quattro mosche di velluto grigio a tranquillement rejoint les autres classiques d’Argento et peut aujourd’hui se savourer la bave aux lèvres. La créativité de l’Italien y est en pleine ébullition, et ce du début (on ne compte plus les plans de malade composant la séquence d’ouverture) jusqu’à la fin (un accident de la route magistralement shooté au ralenti et sublimé par la musique d’un Morricone en grande forme). Le maître du giallo s’offre même une petite touche d’onirisme en mêlant le réel à l’irréel lors d’un étrange meurtre se déroulant dans un parc (une expérimentation audacieuse annonçant Les Frissons de l’angoisse). Si le spectre du professeur Hitchcock plane à nouveau sur l’intrigue (un individu tombe dans un piège et mène sa propre enquête), saluons l’ingénieuse trouvaille permettant de dégoter la clé de l’énigme : l’optogramme. Selon cette pseudo-science, la rétine imprimerait la dernière image vue par un défunt avant de mourir. Un formidable ressort dramatique qui donne tout son sens au titre du film et fait l’effet d’une bombe lorsque déboule l’ultime rebondissement. Expérience de cinoche aussi grisante que surprenante, Quatre mouches de velours gris est également une œuvre très personnelle pour son metteur en scène qui, par le biais du couple Brandon/Farmer, relate les affres de son divorce douloureux avec Marisa Casale… Voilà qui apporte une tonalité plus sombre à l’ensemble même si Argento fraye par moment avec la comédie, notamment à travers les prestations de Bud Spencer et Jean-Pierre Marielle. Deux membres d’un casting hétéroclite au sommet duquel trône l’inoubliable Mimsy Farmer (à quand une galette made in France de cet extraordinaire chef-d’œuvre qu’est Il Profumo della signora in nero de Francesco Barilli ? Et celle de La Traque, survival culte de Serge Leroy ?).

Quattro mosche di velluto grigio. De Dario Argento. Italie/France. 1971. 1h45. Avec : Michael Brandon, Mimsy Farmer, Jean-Pierre Marielle…

Un célèbre écrivain, Peter Neal, auteur de romans policiers, est invité à Rome pour faire la promotion de son nouvel opus, Ténèbres. Dès son arrivée, plusieurs personnes sont assassinées selon un schéma comparable à celui des meurtres qui jalonnent son roman. Pitch : les Films du Camélia.

Après avoir épuisé toutes les ressources du surnaturel avec son diptyque démentiel Suspiria/Inferno, Dario Argento revient aux sources du giallo avec Ténèbres. La dimension fantastique de ses deux chefs-d’œuvre précédents s’évapore au profit d’une intrigue purement policière, comme au temps de la trilogie animalière du début des 70’s. Un nouvel opus qui constitue également un contrepied esthétique aux deux premiers volets des Trois Mères. Les délires formels furieusement baroques et surréalistes de ces derniers, laissent place à une lumière froide et blafarde tentant d’éclairer des décors « modernes » et volontairement ternes (les murs blancs ne manquent pas mais sont abondamment recouverts de sang lors d’un climax nerveux et bestial). Quoi qu’il en soit, Argento n’a pas perdu la main et immortalise à l’écran quelques morceaux de bravoure technique dont il a le secret. À commencer par ce long travelling à la Louma symbolisant la toute puissance de l’assassin et devançant le massacre d’un couple de lesbiennes (avec en prime, l’un des plans les plus marquants de Ténèbres : le visage paralysé par la peur de la belle Mirella D’Angelo, vu à travers le trou d’un t-shirt déchiré par une lame de rasoir). Côté suspense, l’intrigue fonctionne à donf jusqu’à l’étourdissante révélation finale (impossible de griller ce putain de twist), tout en permettant à son auteur de livrer une vertigineuse réflexion sur la création et ses débordements sur la vie réelle (l’écrivain campé par Anthony Franciosa n’est autre que le double fictif du père Dario). De l’obsession au passage à l’acte, telle est la trajectoire de ce torturé Ténèbres, giallo haut de gamme bénéficiant en outre d’une distribution de choix, à laquelle participe l’indispensable Daria Nicolodi. Le cri de terreur de cette dernière résonne encore dans nos esgourdes, tout comme la géniale ritournelle des ex-Goblin, extase auditive que l’on siffle toujours autant sous la douche ou en allant chez le primeur.

Tenebre. De Dario Argento. Italie. 1982. 1h50. Avec : Anthony Franciosa, Daria Nicolodi,  John Saxon…

Vingt ans séparent les deux parties de ce film portrait consacré à Dario Argento. Tourné à Turin puis à Rome entre 2000 et 2019, Soupirs dans un corridor lointain cale son pas sur l’un des cinéastes les plus marquants de ces quarante dernières années. Ses obsessions, son travail (on le découvre sur le tournage du Sang des innocents), ses souvenirs, ses hantises, son rapport à la ville éternelle, les blessures de l’Histoire italienne, et puis le temps qui passe… Pitch : les Films du Camélia.

On ne présente plus (mais je vais quand même le faire un petit peu) l’historien et critique de cinéma Jean-Baptiste Thoret, auteur d’essais essentiels sur le Nouvel Hollywood, Sergio Leone, John Carpenter, Michael Cimino ou encore le Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper. Sans oublier, bien entendu, l’auteur de Phenomena à travers le bouquin Dario Argento, magicien de la peur. Également réalisateur de documentaires (We Blew it, 2017), Thoret en a donc tout naturellement dédié un au maestro. Le film s’intitule Soupirs dans un corridor lointain (très beau titre) et se compose de deux parties distinctes. La première a été tournée en 2000 durant les prises de vues de Non ho sonno (Le Sang des innocents en VF), effort avec lequel Argento espère retrouver le succès de ses gialli d’antan. Dans les coulisses de sa quinzième mise en scène pour le grand écran, le père d’Asia se montre plus que jamais motivé à poursuivre son œuvre et compte bien faire de son petit dernier le Profondo Rosso des années 2000. La seconde a lieu en 2019 et prend des allures de promenade mélancolique en compagnie d’un regista presque octogénaire. Sur des images en noir et blanc et des extraits de musique classique, Thoret suit Dario dans les rues de Rome, visite à ses côtés ce qu’il reste des décors de la villa de Ténèbres (spoiler : des ruines) et nous dévoile l’endroit majestueux où le master of horror a effectué ses recherches pour sa trilogie des Mères (la Bibliothèque Angelica, lieu de tournage d’Inferno le temps d’une séquence). Les souvenirs d’une époque révolue qui, in fine, dresse le bilan d’une carrière semblant aujourd’hui au point mort (son dernier long reste à ce jour Dracula 3D, revival gothique érotico-gore avec le regretté Rutger Hauer en Van Helsing). Si ces soupirs (crépusculaires) dans un corridor lointain émeuvent, nous ne pouvons pas nous empêcher de rester admiratif devant ce cinéaste à nul autre pareil, jouissant par ailleurs d’une place à part dans le 7ème art transalpin (il demeure l’un des rares à avoir survécu – artistiquement – au déclin du cinoche populaire italien) et dont le génie ne cessera jamais d’enflammer notre imaginaire…

Dario Argento, soupirs dans un corridor lointain. De Jean-Baptiste Thoret. France. 2019. 1h37.

PHENOMENA (Dario Argento, 1985)

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Jennifer Corvino se rend en Suisse afin de poursuivre ses études au sein d’un établissement scolaire privé. Un soir, lors d’une crise de somnambulisme, la jeune fille assiste au meurtre d’une étudiante. Source : lesfilmsducamelia.com

Après ce feu d’artifice onirique et baroque qu’est Inferno (1980), une rupture s’opère dans la filmographie de Dario Argento. Avec le deuxième volet de la trilogie des Trois Mères, le cinéaste semble être allé aussi loin qu’il le pouvait dans son illustration d’un fantastique dense, excessif, voire surréaliste. Le long-métrage suivant – Ténèbres (1982) – montre la volonté de son auteur de ne surtout pas se répéter et de faire évoluer son style. La palette chromatique y est moins intense que par le passé et la lumière se fait plus crue. Pour les fans de la première heure, c’est la déception. Mais depuis, de l’eau (ou plutôt du sang) a coulé sous les ponts. Le Argento des années 80 a été redécouvert et réhabilité. L’échec artistique de ses dernières réalisations n’y est sans doute pas pour rien. En effet, après avoir vu un Giallo (2009), difficile ensuite de faire la fine bouche devant une bombe comme Ténèbres… Ou Phenomena, merveille sous-estimée repoussant encore davantage l’heure du déclin (qui ne surviendra réellement qu’après le dernier chef-d’œuvre du maestro : Le Syndrome de Stendhal, 1996). Si le point de départ de l’histoire est ici le même que Suspiria (une étrangère débarque dans une école privée et se retrouve impliquée dans une spirale meurtrière), le film trouve rapidement sa propre voie. Dès la séquence d’ouverture avec Fiore Argento (la demi-sœur d’Asia, vue également dans le Démons du fiston Bava et bien plus tard dans le Card Player de son géniteur), une atmosphère étrange et mélancolique émane des lieux. Éloigné des canons du genre, le décor offert par les alpes suisses s’avère pour le moins singulier, voire carrément inhabituel dans le cadre d’une péloche horrifique. C’est sans compter le talent de son metteur en scène qui parvient à tirer parti de cet étonnant paysage en transformant de simples montagnes en Transylvanie locale. Les Carpates helvétiques dissimulent dans leurs recoins les plus sombres un tueur psychopathe, accompagné dans ses actes par un vent mauvais, celui qui rend fou et que l’on appelle « foehn ». La nature, et les éléments qui la composent, ont toute leur importance dans Phenomena. Un souffle vicié remplit l’air d’une électricité sinistre, la terre cache dans ses tréfonds une réalité abominable, l’eau et le feu peuvent soit vaincre le mal soit le seconder (comme le prouve un très efficace climax  situé sur un lac recouvert par les flammes). Car le monde champêtre et cruel dans lequel évoluent les protagonistes est double : il recèle autant de beauté que de laideur, la seconde étant essentiellement due à la mauvaise influence des hommes sur leur environnement. Jouant un rôle primordial au sein du récit, les insectes – jugés répugnants par le commun des mortels – sont pourtant les alliés des sciences médico-légales et participent à faire éclater la vérité. La douce et adorable Jennifer entretient également une relation particulière avec ces bestioles. Au lieu de rejeter ces dernières, l’étudiante est irrésistiblement attirée vers elles, semble les comprendre et réciproquement. De la télépathie mais pas seulement : la jeune femme ressent tout simplement de l’empathie pour les êtres vivants qui l’entourent. À travers son héroïne, Argento prend la défense de ce que la norme considère comme écœurant et shoote souvent nos amis les petites bêtes en très gros plan, en insert (du Microcosmos avant l’heure). Pas pour faire tourner de l’œil les âmes sensibles, mais pour nous dire que la véritable monstruosité sévit à l’arme blanche, décapite son prochain et collectionne les cadavres. Ainsi, lorsque surviennent les scènes chocs de Phenomena, celles-ci font vraiment leur petit effet (le gamin se retournant subitement face caméra pour dévoiler son visage difforme, Jennifer plongeant dans une piscine pleine de corps en décomposition). Le tout sur une bande originale encore une fois majestueuse où les styles se mélangent pour aboutir à un ensemble grisant. Le thème lyrique et furibard de Claudio Goblin Simonetti partouze avec les accents fantasmagoriques du duo Wyman/Taylor et le rock hard de Motörhead et d’Iron Maiden. Un métissage musical qui témoigne des contrastes d’une œuvre où les concepts les plus poétiques croisent les fulgurances les plus traumatiques. La lumière finit néanmoins par l’emporter sur les ombres grâce à la magnifique Jennifer Connelly. Un an après sa prestation remarquée dans le monumental Il était une fois en Amérique, la jeune comédienne bouleverse encore le spectateur et fait de l’innocence de son personnage l’ultime rempart contre un monde malade. La petite (et déjà grande) Connelly porte sur ses épaules des séquences qu’elle contribue à transcender, notamment celle – quasi christique – où elle délivre un message d’amour à ses camarades qui la chahutent. Dans les entrailles de Phenomena, il n’y a pas que de la boue, des asticots et des macchabées. Il y a aussi un cœur gros comme ça.

Jennifer Connelly

Phenomena. De Dario Argento. Italie. 1985. 1h49. Avec : Jennifer Connelly, Donald Pleasence et Daria Nicolodi. Maté en salle le 22/07/18.

OPÉRA (Dario Argento, 1987)

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Suite à l’accident de la cantatrice principale, une jeune chanteuse lyrique, Betty, est choisie pour interpréter le rôle de Lady Macbeth dans l’opéra de Verdi, œuvre ayant la réputation de porter malheur. Commence une série de meurtres dans l’entourage de la jeune femme qui se voit poursuivie par un mystérieux fan possessif. Source : lesfilmsducamelia.com

Après un mémorable combo dvd/blu-ray conçu avec gourmandise par Le Chat Qui Fume, Opéra peut de nouveau être admiré dans les meilleures conditions – c’est-à-dire sur la grande toile d’un cinoche – grâce au distributeur Les Films du Camélia. On ne s’en privera pas, d’autant plus que le long-métrage n’avait pas eu droit en son temps à une sortie salle dans l’Hexagone. Ce qui est plutôt aberrant puisqu’il s’agit tout de même d’un Dario Argento. Et pas de n’importe lequel. Ce manque de considération a sans doute plongé la bête momentanément dans l’oubli. Une injustice à réparer donc, la copie amputée de la vieille cassette de chez Gaumont Columbia – parue sous le titre Terreur à l’opéra, collection « Les must de l’épouvante » – ne pouvant décemment plus faire l’affaire… Après avoir produit et co-écrit au milieu des 80’s les deux Démons de Lamberto Bava (relectures jouissives d’Evil Dead), l’auteur de Ténèbres se remet derrière l’objectif pour clamer son amour envers l’art lyrique. Opéra est d’ailleurs né d’une frustration, celle de n’avoir pu monter sa propre version du Rigoletto de Giuseppe Verdi. Une mésaventure incluse dans le script du film via le personnage de Marco (Ian Charleson), transfuge du cinéma d’horreur décrit par les journaux comme un usurpateur n’ayant pas sa place parmi le staff de Lady Macbeth, un autre opéra du même Verdi. Argento en profite alors pour brocarder l’élitisme et le conservatisme d’un milieu peu enclin à mélanger les torchons et les serviettes (sans parler du comportement exécrable de la diva Mara Cecova). En creux, on peut aussi y voir une charge contre une certaine critique bourgeoise et intello pour qui faire peur sur un écran n’a rien de noble (c’était avant qu’une certaine presse ne retourne sa veste et que Dracula 3D ne se retrouve à Cannes). Comme pour fermer le clapet à la tartufferie ambiante, l’Italien étale pendant près de cent minutes toute la maestria dont il est encore capable. Et pour cause : Opéra demeure la pièce la plus généreuse, la plus folle, la plus virtuose de son réalisateur. Bien qu’elle ne surpasse pas le trio magique composé de Profondo Rosso, Suspiria et Inferno, la dixième offrande d’Argento comporte tout de même son lot de prouesses visuelles à faire chialer le De Palma de la grande époque. Fluide et légère, la caméra semble constamment en mouvement. Quand elle ne reproduit pas le point de vue d’un assassin aussi véloce qu’insaisissable, elle vole carrément dans les airs et se prend pour un corbac. À ce titre, les multiples visions subjectives des corvidés restent sacrément vertigineuses. Le tour de force technique est atteint lorsque les volatiles sont jetés à la face d’un public assistant à une représentation. Dario se fait plaisir et semble en avoir les moyens. Passé maître dans l’art de nous scotcher la rétine, le bonhomme en profite pour nous offrir le morceau de bravoure le plus spectaculaire de sa filmo. Soit le meurtre de l’infortunée Daria Nicolodi qui se mange une méchante bastos dans l’œil à travers le judas d’une porte. Mais ce n’est pas fini : la balle sort du crâne de la victime et percute un téléphone. Et tout ça dans un superbe ralenti. Impressionnant ! Rayon gore, le master of horror ne s’est donc pas assagi et orchestre des mises à mort à la brutalité paroxystique (le jeune William Copycat McNamara déguste aussi sévère, voir la photo ci-dessous). Mais l’ingéniosité argentesque n’oublie jamais ces petits détails qui font la différence et apportent une touche ludique là où on ne l’attend pas forcément (voir ce moment où le tueur doit récupérer coûte que coûte sa gourmette coincée dans la gorge de la nana qu’il vient d’occire). Encore plus tordu : le jeu vicelard imposé par le serial killer à l’héroïne. Des aiguilles empêchent la seconde de fermer les yeux pour la contraindre à regarder les forfaits du premier (Orange Mécanique style). Un dispositif troublant, voire dérangeant, qui place automatiquement le spectateur en position de voyeur. (Re)voir Opéra, c’est retrouver toute la dimension transgressive de l’horreur. Et l’époque où le genre s’accordait à merveille avec le heavy metal (celui de Steel Grave en l’occurrence). Encore une fois la bande-son s’avère très riche et mélange les influences, le rock fort côtoyant la musique classique et celle plus atmosphérique et planante de Bill Wyman et Terry Taylor. Le duo avait déjà participé à la BO de Phenomena, dont on retrouve ici la trace lors d’un climax situé dans les alpes suisses. Là encore, la nature se montre plus bienveillante que les hommes et devient un refuge inespéré. En sauvant un lézard d’une situation inconfortable, l’attachante Cristina Marsillach effectue un geste d’une bonté inattendue. À moins qu’il ne s’agisse de l’ultime lueur d’espoir d’une femme appelée à sombrer dans la folie, à l’instar d’Asia Argento dans Le Syndrome de Stendhal ? L’ambiguïté de ce final bucolique laisse à penser que le sang des innocents peut encore couler…

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Opera. De Dario Argento. Italie. 1987. 1h47. Avec : Cristina Marsillach, Ian Charleson et Daria  Nicolodi. Maté en salle le 21/07/18.

SUSPIRIA (Dario Argento, 1977)

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Une jeune ballerine américaine arrive dans la prestigieuse académie de Fribourg afin d’y parfaire sa technique. À peine arrivée, l’atmosphère du lieu, étrange et inquiétante, surprend la jeune fille. Et c’est là qu’une jeune élève est spectaculairement assassinée… Source : lesfilmsducamelia.com

Après une trilogie animalière en tout point exemplaire et l’aboutissement giallesque constitué par le définitif Profondo Rosso, le cadre du simple thriller ne suffit plus à Dario Argento. À partir de Suspiria, son œuvre bascule dans le surnaturel. Logique pour un cinéaste capable de transcender la réalité par la toute-puissance de sa caméra. En traversant les frontières du réel, le père d’Asia ne fait pas les choses à moitié et nous emmène carrément en Enfer. Celui où règnent des sorcières s’étant parfaitement intégrées à l’époque contemporaine, exerçant leurs maléfices au sein d’une école de danse tout en se dérobant aux yeux du monde. Ainsi débute le cycle des Trois Mères (Mater Suspiriorum, Mater Tenebrarum et Mater Lacrimarum) dont les suites se nomment Inferno (1980) et La Terza Madre (2007). Pour autant, Argento n’abandonne pas totalement le genre qu’il a révolutionné dès son premier effort, L’Oiseau au plumage de cristal. Un ou plusieurs tueurs accros aux armes blanches rôdent dans les parages et distribuent la mort pour faire taire la vérité. Celle-ci est d’ailleurs dévoilée à l’héroïne dès le début du film sous la forme d’indices qui ne trouveront leur signification qu’en fin de bobine. Une constante chez le maestro, toujours attaché à Hitchcock même quand il s’adonne à l’ésotérisme. Fritz Lang est aussi cité lorsque Pat (Eva Axén) parle d’un « secret derrière la porte » devant une Suzy débarquant à l’académie sous une pluie battante. Le Secret derrière la porte (1947), suspense psychanalytique du réalisateur de Metropolis avec Joan Bennett… la Madame Blanc de l’œuvre qui nous intéresse ici. Une référence tout sauf anodine, donc. Si certains codes du giallo refont surface, si le casting trahit l’amour de son auteur pour le 7ème art (notons également la présence d’Alida Les Yeux sans visage Valli dans la peau d’une prof au sourire carnassier), rien ne nous avait préparés à vivre une expérience aussi addictive et démentielle que Suspiria. Dès les premières notes du score ahurissant des Goblin, le film nous jette un sort dont on ne sera jamais libéré. La ritournelle du groupe de rock prog agit comme un puissant stupéfiant préparant nos synapses à l’horreur ultime. La musique, quasi omniprésente, suggère que le Mal est partout, dans une bouche d’égout qui déborde, une place déserte en plein milieu de la nuit, sur les murs de n’importe quel édifice. Dissimulés dans les ténèbres, les suppôts de la Reine Noire restent invisibles à l’œil nu mais imprègnent chaque lieu et chaque chose, vampirisent l’espace et le temps, épient avec leurs grands yeux jaunes et malveillants les petites ballerines de Fribourg. La terreur à l’état pur ! Plus qu’un long-métrage, Suspiria est un sabbat obsédant et étourdissant dans lequel la bande-son électrise les sens et décuple l’intensité du sortilège se déchaînant à l’écran. Formellement parlant, Dario Argento montre à quoi pourrait bien ressembler un cauchemar sous acide fortement influencé par le conte de fées (ou plutôt de sorcières). Pour cela, pas question de faire dans la demi-mesure. Au contraire, le « magicien de la peur » (selon Jean-Baptiste Thoret) pousse tous les curseurs à fond et se lâche comme jamais. Les meurtres s’élaborent à la manière d’un rituel gore s’achevant sur des poses dignes d’un tableau morbide (Eva Axén pendue au plafond et sa camarade gisant sur le sol avec un élément du décor dans la tronche et le bide). Les éclairages agressifs et expressionnistes (les ombres n’ont jamais été aussi menaçantes), les couleurs vives et contrastées (à rendre jaloux Mario Bava) font de chaque séquence un moment unique de surréalisme in your face, de poésie baroque, de flippe sublime. Le travail du directeur de la photo Luciano Tovoli est tout bonnement incroyable. Tout aussi dense, la direction artistique donne elle aussi à l’image toute sa substance en dressant de longs couloirs rouges, des shock corridors noirs et ornés de motifs dorés, des murs recouverts de dessins en trompe-l’œil, en convoquant les formes ondoyantes de l’art nouveau et les lignes mathématiques et torturées d’Escher. L’écrin idéal pour mettre en relief toute la beauté de son actrice principale. Deux ans après le cultissime Phantom of the Paradise, Jessica Harper regarde au fond de l’abîme, traverse le Styx, exécute des entrechats au bord du gouffre, valse avec les flammes. Si ses yeux se font parfois hypnotiser par des forces occultes, cette fantastique brune possède aussi le pouvoir d’envoûter le spectateur… Après le grand final, Jessica Harper laisse échapper un sourire, sans doute heureuse d’avoir survécu à ce mauvais rêve. Elle sort ensuite du cadre, tout en pensant au rire nerveux et libérateur de Marilyn Burns lors de l’ultime plan de Massacre à la tronçonneuse. Dans la forêt-noire allemande ou le désert texan, ce qui ne te tue pas te rend plus forte.

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Suspiria. De Dario Argento. Italie. 1977. 1h35. Avec : Jessica Harper, Stefania Casini et Barbara Magnolfi. Maté en salle le 20/07/18.

LES FRISSONS DE L’ANGOISSE (Dario Argento, 1975)

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Pianiste de jazz américain installé à Turin, Marc Daly assiste un soir au meurtre de Helga Ullman, une célèbre parapsychologue de passage en Italie. Il tente de lui porter secours, mais en vain. Déclaré témoin oculaire et lui-même victime d’une tentative d’assassinat, il décide de mener l’enquête en compagnie d’une journaliste, tandis que les meurtres se multiplient. Source : lesfilmsducamelia.com

La rétrospective Dario Argento concoctée par Les Films du Camélia nous donne l’opportunité de (re)voir en salle et en copie restaurée six pièces de choix issues de l’âge d’or du maestro : L’Oiseau au plumage de cristal (1970), Le Chat à neuf queues (oh, le veinard… 1971), Suspiria (1977), Phenomena (1984), Opéra (1987) et bien entendu Les Frissons de l’angoisse. Avec une telle programmation, vous n’avez aucune excuse pour rester affalé sur votre canapé devant Fort Boyard ou la prochaine étape du Tour de France. D’autant plus que le grand écran sied à merveille aux opus précités et nous envoie en pleine face le génie fécond et avant-gardiste de son auteur. Plus particulièrement, c’est aussi une belle revanche pour celles et ceux ayant jadis découvert Profondo Rosso dans sa version tronquée en VHS René Chateau (sans parler de l’horrible format Pan & Scan que ne parvenait pas à faire oublier le superbe visuel arboré par la jaquette). Depuis, l’éditeur Wild Side est passé par là et nous a offert une galette digne de ce nom, proposant par la même occasion le montage initial d’environ deux heures. Malgré tout, force est de constater que la version intégrale du film nuit quelque peu au rythme de l’ensemble, ses intermèdes comiques constituant en outre une rupture tonale pas toujours pertinente. Si les chamailleries entre la journaliste Daria Nicolodi et le musicien David Hemmings prennent un peu trop le pas sur l’intrigue policière, cela ne suffit pas à entamer la noirceur et la perversité de l’entreprise. Ces parenthèses légères, finalement plus sympathiques que ces caricatures de flics désinvoltes à la présence heureusement secondaire, permettent néanmoins de tisser des liens entre deux individu·e·s s’entendant comme chien et chat mais s’entraidant pour résoudre la même enquête. Ces digressions très romcom ont surtout le mérite de faire la part belle à une toute jeune Daria Nicolodi dont le charme et l’espièglerie ont quelque chose de la Jane Birkin des 70’s. Quant au très classe David Hemmings, il est à nouveau le témoin involontaire d’un meurtre mystérieux, ce qui était déjà le cas neuf ans auparavant dans le Blow-Up d’Antonioni. Les ressorts diaboliques du scénario de Profondo Rosso reposent sur un élément fondamental qui échappe aussi bien au héros qu’au spectateur. Le twist final, lorsque Marc Daly tente de se souvenir et se prend la vérité en pleine poire, dévoile le résultat de l’ingénieux mécanisme déclenché bien plus tôt par le père Dario. Le pianiste de jazz voit ses sens et sa mémoire le trahir en même temps que le cinéaste déploie tout un arsenal visuel pour duper le public. La mise en scène et les décors dissimulent la réalité planquée derrière les images. Les visions subjectives du psycho killer nous empêchent de connaître son identité tandis qu’un trou dans le mur ou un papier peint arraché révèlent des secrets inavouables. Dans Les Frissons de l’angoisse, le tueur n’est rien d’autre que la caméra elle-même, qui – à l’aide de travellings ultra sophistiqués – délivre la mort avec sauvagerie et raffinement. Le sadisme inventif de Dario Argento, ainsi que la mise en place aux p’tits oignons des séquences de meurtre, montrent à quel point le monsieur est soucieux de l’impact graphique de chaque plan. L’ambiguïté du point de vue, la violence frontale et la virtuosité technique accouchent d’une chorégraphie absolument renversante où le cinémascope se nourrit d’art et de ténèbres (voir ces rencontres nocturnes entre Marc et Carlo – Gabriele Zeder Lavia – devant la fontaine du fleuve Pô à Turin; ou encore la baraque en ruine de style art nouveau où Marc trouve la clé de l’énigme). Nous ne sommes donc pas prêts d’oublier la conférence située au début du récit et menée par une voyante que des ombres tranchantes et invisibles menacent jusqu’au plus profond de sa psyché (splendide Macha Méril qui, la même année, régale encore le cinéma Bis de sa présence en montant à bord du Dernier train de la nuit). Le réalisateur d’Inferno multiplie les angles, alterne inserts et plans larges, accélère la cadence du montage et fait basculer la séquence dans un cauchemar aux présages funestes. Plus tard, aux coups de feuille de boucher d’une barbarie inouïe succèdent un appel à l’aide sourd et désespéré devant une fenêtre en forme d’échafaud. On a mal pour la pauvre Macha mais c’est ce qui s’appelle une putain de scène d’anthologie. Esthétiquement très riche, Profondo Rosso doit aussi beaucoup à la musique des Goblin. Indissociable du long-métrage, leur BO aux sonorités hypnotiques et expérimentales fait bien plus que d’accompagner ce qui se passe à l’écran. Elle contribue à rendre encore plus exaltant ce giallo survolté qui se plaît à pousser le genre dans ses derniers retranchements.

Clara Calamai, David Hemmings

Profondo Rosso. De Dario Argento. Italie. 1975. 2h06. Avec : David Hemmings, Daria Nicolodi et Macha Méril. Maté en salle le 18/07/18.