TRILOGIE VICE ACADEMY : c’est presque pareil !

À la question « Qu’est-ce qui pourrait sauver l’amour ? », ces grands malades de chez Pulse Vidéo ont répondu par un coffret blu-ray de Vice Academy 1, 2 et 3. Une saga culte aux États-Unis, comptant six péloches au total et détenant quelques armes de séduction massive : Ginger Lynn (l’étoile la plus brûlante du porno US, ex aequo avec Traci Lords), Linnea Quigley (l’une des plus fameuses Scream Queens de la vallée des plaisirs) et Elizabeth Kaitan (une autre souveraine du Bis des années 80/90 et non des moindres). Les téléspectateurs français se souviennent peut-être d’une diffusion sur « La Cinq » d’un certain Sexy Academy. Il s’agissait en réalité du premier Vice Academy ! Aujourd’hui, ces comédies potacho-policières jouissent d’une restauration exceptionnelle et vous donnent rendez-vous au poste le plus proche. Alors, prêt à revêtir (et à dévêtir) l’uniforme ?


WHERE NICE GIRLS BECOME VICE GIRLS

Comme son titre l’indique, Vice Academy est un rip-off sexy de Police Academy. Si, question humour, les deux films partagent la même « finesse », il n’en est pas de même lorsqu’on lâche le mot « standing ». À l’instar de ses collègues Fred Olen Ray, Jim Wynorski, David DeCoteau et Christophe Honoré, Rick Sloane (également auteur d’un sous-Gremlins intitulé Hobgoblins) donne dans le cheap décomplexé du soutif et compense le manque de brouzoufs en faisant jaillir devant nos délicates mirettes les délices les plus déviants. Certes, la fameuse académie de police ne comprend qu’une dizaine d’élèves (dont un seul mec, une tête de gland), les flingues ont l’air de jouets provenant d’un magasin GiFi (le plastoc, c’est fantastoc !) et la musique synthétique ferait passer Orelsan pour Jean-Sébastien Bach (tout en restant plus écoutable que du Orelsan). Mais grâce à la splendide copie de Pulse Vidéo, Vice Academy bénéficie d’une patine visuelle plus que correcte (les séquences tournées en extérieur et de nuit profitent joliment des lumières de la ville). En revanche, on ne peut qu’être déçu par la place secondaire laissée à Ginger Lynn. Pas de duo chic et choc avec Linnea Quigley, pas de buddy movie avant de faire ses prières du soir. Cela n’empêche pas les deux starlettes de rivaliser de charme. L’atomique Ginger s’avère remarquable en fille à papa, formidable en chipie incendiaire, fantastique en garce qu’on aime haïr. Quant à l’adorable Linnea, elle rend son espièglerie absolument irrésistible… Les voir intégrer la « vice squad » (dans des conditions toutefois moins rudes que chez Gary Sherman), cette brigade des mœurs jadis fréquentée par la « flic » Edwige Fenech et infiltrée par Max Pécas, demeure assez réjouissant. N’oublions pas non plus la performance topless de la brune Karen Murder Weapon Russell. Qu’on se le dise : pour détourner l’attention d’un type qui vous tient en joue, rien n’est plus efficace qu’une poitrine voluptueuse…

Vice Academy. De Rick Sloane. États-Unis. 1989. 1h29. Avec : Linnea Quigley, Ginger Lynn (ou Ginger Lynn Allen), Karen Russell


TWICE THE COMEDY, TWICE THE VICE 

Seul opus de la saga à être sorti chez nous en VHS, Vice Academy 2 est à Vice Academy 1 ce que Le Parrain, 2ème partie est au premier Parrain : une suite qui surpasse l’original, une œuvre épique et monumentale, un pan de l’histoire du cinéma. J’en fais trop ? Sans doute. Mais si c’est un petit pan pour l’Homme, c’est aussi un grand pan pour Rick Sloane ! Avec cet épisode plus fun et mieux charpenté, celui qu’on ne peut confondre avec Coppola corrige les défauts du film précédent et ne commet pas deux fois la même erreur : Ginger Lynn se voit enfin confier un rôle aussi important que celui de Linnea Quigley. Contraintes de faire équipe malgré leurs différends, la Trashy Lady et l’Hollywood Chainsaw Hooker s’associent pour combattre le crime dans les faubourgs de L.A. Plus affriolantes que Tango et Cash, nos deux flics « amie-amie » pas si « nulles » que ça vont devoir unir leurs forces pour contrecarrer les plans machiavéliques de Spanish Fly. Une méchante en cartoon, sorte d’effeuilleuse burlesque échappée d’une prod Troma. Mais avant de céder à la franche rigolade, sachez que la bougresse menace d’empoisonner toute l’eau de la « cité des anges » ! Pour écarter un tel danger, l’aide de BimboCop (la frangine fauchée de RoboCop) ne sera pas de trop. Un engin « mi femme, mi machine, 100% camelote » campé en chair et en toc par la culturiste Teagan Clive (l’androïde intersidéral, et sidérant, d’Alienator). Cependant, la bonne humeur ne serait pas aussi contagieuse sans ce dialogue immortel pondu par le Prévert d’Hollywood Boulevard : « – Spanish Fly, prépare-toi à rencontrer le Créateur ! – Jean-Paul Gaultier est là ? ». À cet échange qui tue, ajoutons les étincelles provoquées par le couple Lynn/Quigley, des « Charlie’s angels » du Bis capables d’émoustiller un mur en béton armé et de faire marrer un condamné à mort. Des nanas aguichantes et poilantes mais qui ne se laissent pas marcher sur les pieds : elles ridiculisent au passage un collègue macho, un gros mytho dont les attributs tiennent davantage de la « saucisse cocktail » que de la « grosse matraque ». Girl powa’ !

Vice Academy Part 2. De Rick Sloane. États-Unis. 1990. 1h33. Avec : Linnea Quigley, Ginger Lynn, Jayne Hamil


FOR A GOOD TIME… CALL A COP !

Ce troisième volet ne perd pas de temps pour justifier l’absence de Didi (Mrs. Quigley. L’Australienne ?). Dès la première séquence, on nous apprend qu’elle « vole désormais de ses propres ailes ». Heureusement, le père Sloane a plus d’un tour dans son sac et fait aussitôt apparaître Candy (Elizabeth Kaitan)… la sœur de Didi ! Et vous savez quoi ? C’est aussi une « vice cop » ! Par la moustache de Charles Bronson ! L’Hongroise Elizabeth Kaitan (vue dans Slave Girls from Beyond Infinity, Assault of the Killer Bimbos, Roller Blade Warriors et autres friandises chères à Thierry Frémaux et Pierre Lescure) joue ici les ravissantes idiotes avec un indéfectible sens du devoir (et une bonne dose de second degré). Le sourire éclatant et le gun bien en pogne, la Kaitan continuera à « protéger et servir » dans les Vice Academy suivants. Ce qui ne sera pas le cas de Ginger Lynn. Ce numéro trois constitue donc sa dernière enquête au sein de la police des mœurs. Dommage. Pour l’heure, notre Ginger s’infiltre en taule le temps d’une intro rendant hommage aux « Women In Prison flicks » (avec lesbienne/camionneuse peu commode et matonne sévère) et, une fois sortie de cette galère, s’envoie une ribambelle de fions avec Elizabeth Kaitan (certaines réparties sont très amusantes). Mais si Vice Academy Part 3 parvient à atteindre des sommets d’excentricité, c’est parce qu’il n’hésite pas à flirter avec le « comic book movie » de seconde zone. Bad girl à la tignasse verte, Malathion ressemble à la sœur cachée et ultra flashy du Joker (ou à une Harley Quinn de chez « The Asylum », au choix). Un rôle tenu par Julia Parton (la cousine de Dolly, la chanteuse de country, pas la brebis clonée) avec la sobriété exemplaire de Jim Carrey et Tommy Lee Jones dans Batman Forever. Planquez vos miches : Malathion sera de retour dans Vice Academy 4 ! Quant à Vice Academy 3, y a pas à dire, c’est quand même autre chose que L’Arme Fatale 3

Vice Academy Part 3. De Rick Sloane. États-Unis. 1991. 1h28. Avec : Ginger Lynn, Elizabeth Kaitan, Julia Parton

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SBALLATO, GASATO, COMPLETAMENTE FUSO : Edwige Fenech, l’aventure idéale

En avril dernier disparaissait dans l’indifférence générale un artiste de génie : Enzo Sciotti. Ses affiches de films ont pourtant nourri l’imaginaire des esthètes du monde entier. Son trait à la fois réaliste et baroque, ses bleus intenses et pénétrants, lui ont permis d’élever l’horreur, l’action et l’érotisme au rang des beaux-arts, de transcender n’importe quelle péloche, de vendre du rêve quel que soit le film. On doit à Sciotti pas moins de 3000 posters (mamma mia ! Un record ?). Cette œuvre phénoménale fait la part belle aux classiques de genre, aux pépites du Bis et à tant d’autres joyeusetés filmiques. Des exemples ? Evil Dead, Maniac, Velluto Blu (aka Blue Velvet), Phenomena, Lo Squartatore di New York, La Montagna del dio cannibale, Démons, Maximum Overdrive, La Retape (L’Alcova en VO)… Je vous laisse compléter la liste en recherchant vous-mêmes les 2991 autres références ! Et comme le prouve le visuel de Sballato, gasato, completamente fuso, sachez que la commedia sexy all’italiana est aussi passée sous son divin pinceau. En transformant Edwige Fenech, Gloria Guida, Lilli Carati, Barbara Bouchet, Nadia Cassini ou Anna Maria Rizzoli en fantasmes dotés de couleurs éclatantes, le regretté Enzo Sciotti est parvenu à capturer toute l’extravagance et la sensualité de ce cinéma échappé d’un temps révolu…

Dans les pages du fanzine « Toutes les couleurs du Bis », Stéphane Erbisti juge Sballato, gasato, completamente fuso (An Ideal Adventure à l’international) « médiocre » et « insignifiant », considère qu’il « se traîne en longueur et nous plonge dans l’ennui ». Pour ma part, je ne serai pas aussi sévère : sans constituer un incontournable des salles de quartier ou des vidéo-clubs, le long-métrage de Steno n’a rien de désagréable et séduit sans peine les fondus d’Edwige Fenech. Le problème, c’est que le film n’est jamais sorti en France et qu’il a fallu attendre Netflix pour le découvrir. Au passage, la plateforme rebaptise la bête Un Pari de dingues (pourquoi pas). Une nouvelle identité qui ne s’est pas contentée de traduire le titre original (« fou, bizarre, complétement cinglé »)… En quoi consiste alors ce déraisonnable « pari » ? Moquée et sous-estimée, la journaliste Patrizia Reda (Edwige Fenech) aspire à plus de reconnaissance de la part de ses pairs. Dans ce but, elle insiste auprès de son rédac chef, Eugenio Zafferi (Enrico Maria Salerno), pour qu’il lui confie la prochaine une. Afin de motiver son boss, la malicieuse et ambitieuse Patrizia lui propose un deal : si elle foire son papier, elle s’offrira à lui… Puisque l’article en question porte sur les fantasmes de l’italien lambda, la fesse se retrouve donc au centre des débats. L’enquête de l’héroïne sert de prétexte à une succession de saynètes cocasses, toutes situées en dessous de la ceinture. Faut dire que là où Edwige passe, le mâle trépasse… de désir !

Mais au début des années 1980, le cinéma italien entame son crépuscule. Pendant que ce Berlusconnard de Silvio flingue la culture en déféquant dans la boîte crânienne de ses compatriotes (ses chaînes de télé annoncent une nouvelle ère méphitico-cathodique), l’âge d’or des sixties/seventies s’éloigne. Après Sballato, gasato, completamente fuso, Edwige Fenech ne tournera plus que deux autres longs pour le grand écran (Vacanze in America en 1984 et Le Tueur de la pleine lune en 1988) et se réfugiera dans le petit (elle y sera également productrice). Grand spécialiste de la comédie transalpine (il est l’auteur, dès la fin des années 1940, d’une flopée de « Totò »), Stefano Vanzina (alias Steno) emballe ici sa dernière œuvre d’importance avant de tirer sa révérence en 1988… Cette « fin d’une époque » se ressent dans Sballato, gasato, completamente fuso. L’élan potache se fait beaucoup plus timide, le geste troupier moins dévastateur. Même la nudité ne se montre pas aussi systématique qu’auparavant. Cette apparente « sobriété » donne l’impression que l’entreprise ne se repose plus sur ses gags mais plutôt sur son scénario. Un signe de « maturité » ? Pas vraiment. Une forme d’essoufflement alors ? Certainement. Mais on peut aussi y déceler la survivance d’un style qui n’a pas encore lâché son dernier rire…

Pour sa quatrième et ultime collaboration avec la reine de la sexy comédie (après Amori miei, Dottor Jekyll e gentile signora et La Patata bollente), Steno offre à la Miss Fenech le rôle d’une femme des années 80 (« mais femme jusqu’au bout des seins » comme le chantait Michel Sardouille). La modernité de Patrizia Reda permet surtout au réal de Société anonyme anti-crime (poliziesco dispo chez Artus Films) de brocarder (gentiment) le machisme qui sévit dans le petit monde de la presse écrite. Perçue comme un objet sexuel incapable de pondre un bon article, la reportrice volontaire de Sballato, gasato, completamente fuso ne doit pas seulement combattre les préjugés de ses collègues masculins : elle doit aussi constamment calmer leurs ardeurs. Des préoccupations féministes inattendues (et bienvenues) qui trouvent néanmoins leurs limites lors d’une conclusion très « romcom » (au final, tout rentre dans l’ordre conjugal…). Reconnue davantage pour sa beauté incendiaire que pour ses talents dramatiques, la Signora Wardh de Sergio Martino ne peut que s’identifier à son personnage. Consciente de son image et de l’émoi qu’elle provoque, Edwige Fenech n’en demeure pas moins une authentique comédienne. N’a-t-elle pas su s’extraire momentanément du Bis pour participer aux films de Tognazzi (Cattivi pensieri), Risi (Je suis photogénique) et Sordi (Moi et Catherine) ?

Chez Steno, l’inoubliable « insegnante » dégage une classe folle, charme toute l’assistance et se plaît à donner la réplique à son partenaire d’Amori miei, le toujours impec Enrico Maria Salerno (également réalisateur d’un superbe mélo avec Florinda Bolkan, L’Adieu à Venise). Seul point noir au tableau : l’insupportable chauffeur de taxi interprété par Diego Abatantuono. Difficile de ne pas être irrité par son accent à couper au couteau et par son cabotinage jacasseur (dans ce registre, n’est pas Lino Banfi qui veut…). Heureusement, Sballato, gasato, completamente fuso compte quelques grands moments dignes de l’humour fripon made in Italy. Jugez plutôt. Le temps d’un songe impudique, notre Edwige se change en nonne effeuilleuse… Lors d’une course-poursuite rocambolesque, elle passe d’un véhicule à l’autre et tombe systématiquement sur des allumés de la braguette (dont un sosie de « Er Monnezza », l’un des persos fétiches de Tomás Milián)… Le passage le plus fendard ? Celui où la Fenech interviewe un cinéaste timbré du nom de Brian De Pino (quand l’auteur de Pulsions fusionne avec son compositeur). Là, les clins d’œil fusent : la musique parodie les BO de Zombie et Profondo Rosso, le poster de L’Au-delà (conçu par Sciotti !) s’affiche sur un mur, les fantômes de Shining refont surface… De bien bonnes références pour une facétie affriolante qui saura ravir les aventuriers du cinoche perdu.

Sballato, gasato, completamente fuso. De Steno. Italie. 1982. 1h35. Avec : Edwige Fenech, Diego Abatantuono, Enrico Maria Salerno

DE L’OR POUR LES BRAVES (Brian G. Hutton, 1970)

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Pendant la Seconde Guerre mondiale, près de Nancy, Kelly, un lieutenant américain, découvre que son prisonnier, un colonel allemand des renseignements, est en possession de deux lingots d’or. Celui-ci avoue qu’ils proviennent d’un trésor de guerre caché dans une banque derrière les lignes ennemies. Il décide de devancer les troupes américaines pour s’emparer du magot, recrutant pour ce faire quelques alliés pittoresques au sein du régiment… Source : arte.tv/fr

Alors que les États-Unis s’enlisent dans le merdier vietnamien, De l’or pour les braves se moque des discours bellicistes et patriotards qui produisent de la chair à canon. Imperméables à toute cette propagande, les « héros » de Kelly préfèrent les lingots d’or aux médailles en toc. Risquer sa peau à un prix et ce n’est pas celui fixé par l’oncle Sam. Amoraux les troufions ? Libertaires surtout. Suffit de voir ces conducteurs de chars semblant sortir tout droit de Woodstock (à leur tête : un Donald Sutherland savoureusement déjanté !). L’influence du mouvement hippie sur la péloche de Brian G. Hutton se fait sentir, comme s’il s’agissait de pacifier le film de guerre hollywoodien. La chanson pop Burning Bridges remplace la marche militaire attendue et sonne à elle seule comme une note d’intention. Si De l’or pour les braves ne se prend pas au sérieux (au détour d’une séquence, on a même le droit à un pastiche des westerns de Leone), c’est pour mieux tourner en ridicule une armée américaine franchement pas glorieuse. L’introduction donne le ton en montrant des yankees se faire bombarder la tronche par… d’autres yankees ! En temps de guerre, l’erreur est humaine ! Ayant toujours un train de retard, l’état-major ne brille guère par sa perspicacité. De manière très ironique, un général pontifiant (un Carroll O’Connor en mode burlesque) profite même du braquage effectué par les « braves » pour faire une avancée non négligeable derrière les lignes ennemies. Quand une bande de canailles change le cours de l’Histoire ! Malgré tout, ces bidasses en folie nous apparaissent comme bien sympathiques. Ces derniers ont beau être de sacrés frondeurs, ils n’en sont pas moins animés d’un certain sens du partage et de l’entraide (ils sont plusieurs à participer à cette mission et à se répartir le magot). L’issue du dernier combat laisse même entrevoir une possible réconciliation fraternelle entre des hommes de bords différents, mais au final tous logés à la même enseigne. Sous les obus et les gravats, l’utopie du « peace and love » tente de se frayer un chemin… Comédie irrévérencieuse et pittoresque, De l’or pour les braves prend aussi la forme d’une authentique bande d’aventure dans laquelle il est question de chasse au trésor et d’obstacles à contourner avant d’arriver jusqu’à lui. Comme avec l’excellent Quand les aigles attaquent (spy movie situé pendant la Seconde Guerre mondiale), Hutton mélange les genres et ne reste pas confiné dans les limites imposées par son contexte historique (dans lequel se greffe le film de casse, ce qui est assez original). Réalisateur solide et compétent, le bonhomme mène sa barque avec savoir-faire et se montre particulièrement à son aise dans les passages les plus spectaculaires. Les morceaux de bravoure sont emballés avec panache, comme le montre notamment l’affrontement final entre un tank allemand et nos braqueurs de banque. Les visions subjectives adoptant le point de vue d’un canon ou ces travellings balayant des tireurs placés côte à côte, sont des preuves du dynamisme visuel de ce Kelly’s Heroes. Et puis il y a aussi ce casting de gueules taillées pour la grande bagarre. Entre deux étapes décisives pour sa carrière (la trilogie du dollar et le premier Dirty Harry), Clint Eastwood s’impose tranquillement dans le paysage du cinéma américain. Il prête son imposante silhouette au Kelly du titre original, sans crever l’écran mais avec une belle assurance. Après avoir été l’un des douze salopards du père Aldrich, Telly Savalas est encore une fois remarquable en vieux briscard des champs de bataille. N’oublions pas le génial Donald Sutherland déjà cité plus haut, qui la même année a aussi fréquenté le satirique M.A.S.H de Robert Altman. Bref, tous des pointures qui, plus tard, inspireront Bébel dans Les Morfalous (Henri Verneuil, 1984) et George Clooney dans Les Rois du désert (David O. Russell, 1999).

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Kelly’s Heroes. De Brian G. Hutton. États-Unis/Yougoslavie. 1970. 2h24. Avec : Clint Eastwood, Telly Savalas et Donald Sutherland. Maté à la téloche le 28/01/18.

SHAUN OF THE DEAD (Edgar Wright, 2004)

Shaun-of-the-Dead-PosterShaun of the dead. De Edgar Wright. Royaume-Uni/France. 2004. 1h33. Avec : Simon Pegg, Nick Frost (le couple se reformera sous la direction de Wright pour les besoins de Hot fuzz et The world’s end) et Kate Ashfield. Genre : comédie/horreur. Sortie France : 27/07/2005. Maté à la téloche le dimanche 6 août 2017.

De quoi ça cause ? À 30 ans, Shaun (Simon Pegg) passe tout son temps au pub, en compagnie de son colocataire Ed (Nick Frost), préférant les jeux vidéo et la bière aux dîners avec Liz (Kate Ashfield), sa petite amie. Aveugle à la décrépitude de son couple, il ne se rend pas compte non plus du comportement étrange des habitants de Londres, et ne remarque pas plus les sirènes de police que le ton alarmiste des journaux télévisés. Quitté par sa copine, Shaun retourne au pub et se soûle avec Ed, avant de se jurer de reprendre sa vie en main et de reconquérir Liz. Mais au réveil, c’est l’apocalypse : un virus a infecté les Londoniens, les transformant en zombies. Shaun a un plan. Récupérer sa mère et Liz, et filer droit au pub, pour attendre les secours. (source : Arte.tv/fr)

Mon avis Télé Z : Le 16 juillet 2017, l’immense George A. Romero meurt en laissant derrière lui ses inoubliables créations. Tout au long d’une œuvre aussi intelligente que passionnante, ce « master of horror » a su mêler le fantastique le plus viscéral à une certaine densité psychologique et à une authentique dimension sociale. Si sa filmo n’est pas exclusivement dédiée au gore, le bonhomme a tout de même été l’un des instigateurs de l’horreur moderne et, plus particulièrement, l’inventeur du zombie flick tel qu’on le conçoit aujourd’hui. Edgar Wright s’en souvient lorsqu’il entreprend Shaun of the dead. Son film est avant tout un très bel hommage à Romero. D’ailleurs, les clins d’œil ne manquent pas. De la réplique « Nous venons vous chercher, Barbara ! » – référence au cultissime La nuit des morts-vivants (1968) – à l’utilisation de la musique composée par Goblin pour le dantesque Zombie (1978), le regretté réalisateur irrigue totalement le long-métrage de son cadet. Normal : sans Big George, pas de jeu vidéo comme Resident evil, de série télé à la The walking dead ou de péloche telle que ce Shaun of the dead. Toutefois, aussi respectueux envers cet héritage soit-il, ce dernier marque sa différence et ne constitue en rien un énième retour des morts-vivants. À son tour, le jeune Wright provoque l’avènement d’un autre genre, ou plutôt sous-genre : la zombedy. Soit la comédie avec des zombies. Non pas que rire et effroi ne se soient jamais mélangés, ni même que les macchabées se mettent à faire marrer pour la première fois (n’oublions pas Flic ou zombie ou Braindead) mais depuis le coup d’éclat qui nous intéresse, de nombreux rejetons ont vu le jour (du frais : Bienvenue à Zombieland, du moins frais : Warm bodies). Autre point important : Edgar Wright laisse de côté les facilités parodiques chères à la saga faisandée Scary movie. Le Britannique n’en a nullement besoin, tant son acuité comique s’exprime à travers de brillantes idées visuelles. Le rire s’infiltre alors dans la mise en scène elle-même et se joue des habitudes de ses personnages (le générique d’ouverture en est un manifeste à lui tout seul). Bien entendu, la bonne humeur générale doit énormément à l’irrésistible duo Simon Pegg/Nick Frost. Ces losers patentés ont beau être souvent (pour ne pas dire tout le temps) à côté de la plaque et davantage concernés par des enjeux triviaux (comme s’envoyer une binouze au pub du coin), ils n’en demeurent pas moins attachants. Surtout Shaun qui ne peut se résoudre à laisser tomber son meilleur pote (quand bien même celui-ci est un sacré boulet) et doit, en plus de survivre à une invasion de revenants, régler ses problèmes avec sa famille, sa petite amie et lui-même. Un programme chargé pour un héros qui s’ignore, certes maladroit et parfois flemmard, mais surtout doté d’un cœur gros comme ça. Rien d’étonnant, dès lors, que la gorge du spectateur se serre lorsque certains protagonistes se séparent dans les larmes et le sang. On a tous en nous quelque chose de Shaun, voilà la force du film d’Edgar Wright. D’autant plus que ce dernier a non seulement livré une comédie et un drame exemplaires, mais a aussi offert au 7ème art zombiesque une pépite supplémentaire. Un exploit tant l’auteur du récent Baby driver prend le temps de faire monter la tension, de distordre la réalité, de rendre l’inimaginable tangible, et ce tout en nous présentant ses personnages (voir la manière dont le virus se propage au second plan, alors que le pauvre Shaun doit faire face à ses préoccupations quotidiennes). Mieux encore, le gore s’invite à la fiesta et s’illustre lors de scènes chocs dignes du célèbre maquilleur Tom Savini (Zombie ou Land of the dead, c’est lui). Il ne manque donc rien à Shaun of the dead pour s’imposer comme un classique instantané. Le panard intégral pris à chaque visionnage en est la preuve irréfutable. 6/6

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L’un des meilleurs gags de Shaun of the dead qui s’est retrouvé, à peu de chose près, dans la série The walking dead. Pour un effet beaucoup moins fun, cela va sans dire.

ELLE BOIT PAS, ELLE FUME PAS, ELLE DRAGUE PAS, MAIS… ELLE CAUSE ! (Michel Audiard, 1969)

elle-boit-pas-elle-fume-pas-elle-drague-pas-mais-elle-causeElle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais… elle cause ! (deux ans plus tard, elle ne causera plus, elle flinguera !) De Michel Audiard. France. 1969. 1h25. Avec : Annie Girardot, Mireille Darc et Bernard Blier. Genre : comédie. Sortie France : 17/04/1970. Maté à la téloche le lundi 10 juillet 2017.

De quoi ça cause ? Germaine (Annie Girardot), dite Mémène, femme de ménage au-dessus de tout soupçon, n’a qu’un défaut, dont elle use avec naïveté ou machiavélisme : elle parle trop. Elle a trois employeurs : Francine Marquette (Mireille Darc), conseillère psychologique à la télévision, Lhiétard (Bernard Blier), caissier de banque libidineux, et Phalempin (Sim), tout dévoué à un patronage de quarante enfants. Tout en époussetant, Mémène surprend des secrets. Francine, qui est sur le point d’épouser un ministre, a participé dans sa jeunesse à des ballets roses. Lhiétard a puisé dans la caisse, et Phalempin chante tous les soirs, travesti en femme, dans un cabaret borgne. Les bavardages de Mémène informent chacun de ses employeurs des secrets mal gardés des autres… (source : télévision.télérama.fr)

Mon avis Télé Z : Nombreux sont les critiques qui sous-estiment le Michel Audiard cinéaste. Pourtant, le célèbre scénariste/dialoguiste n’a pas à rougir de ses très estimables réalisations. Certes, il n’a jamais pondu d’œuvres aussi marquantes que Un singe en hiver (Henri Verneuil, 1962), Les tontons flingueurs (Georges Lautner, 1963) ou Ne nous fâchons pas (Lautner again, 1964). Du moins derrière la caméra. Parce qu’il ne fait aucun doute que ces illustres péloches doivent énormément à la plume du père Audiard. Sans lui, ces classiques ne seraient pas ce qu’ils sont. Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais… elle cause ! (sacré titre !) n’a rien d’une comédie mineure dans la carrière du bonhomme. Le plaisir pris à chaque visionnage en atteste. Comment résister à cette troupe de comédiens, à ces habitués de la poésie d’Audiard ? En employée de maison pas si naïve que ça et rêvant d’une vie de château à Monte-Carlo, Annie Girardot laisse éclater son talent comique et vient foutre le boxon dans la vie de ses patrons. En résulte un chassé-croisé crapuleux, étiré jusqu’à l’absurde, dans lequel trois personnages hauts en couleur se font chanter les uns les autres, comme dans une boucle infinie. Amusant, d’autant plus que le film prend rapidement des allures de polar parodique et fraye même avec l’humour macabre (l’utilisation d’un champignon vénéneux comme poison, entraîne – par inadvertance – la mort de nombreux piliers de bar). Autour de Girardot gravite l’indispensable Bernard Blier dont l’onctueuse obséquiosité relève du grand art. En banquier vicelard et cupide, le bonhomme rivalise de roublardise avec la charmante Mireille Darc, ex-prostituée fraîchement fiancée à un futur ministre. Et puis il y a le pauvre Sim, éducateur le jour et chanteur de cabaret la nuit. Sa particularité ? Il se travestit en femme pour jouer les « jolies petites libellules » (une mémorable chorégraphie qui se termine le cul par terre !). À toutes ces pointures, s’ajoute la joie de reconnaître au détour d’une séquence, une gueule raffinée, un second couteau de prestige. Un « monsieur ». En effet, que serait une comédie française des 60’s/70’s sans le concours d’un Robert Dalban ou d’un Dominique Zardi ? La force d’un film écrit et/ou réalisé par un cador du verbe comme Michel Audiard réside dans la parfaite appropriation de ses textes par les meilleurs acteurs possibles. Soit les bons mots dans les bonnes bouches. Voilà pourquoi Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais… elle cause ! – farce gouailleuse, qui plus est ponctuée de chouettes plans de Paname – vieillit bien et écrase la plupart des comédies hexagonales actuelles. Allez, une petite réplique avant de se quitter, celle lancée à Phalempin par Lhiétard : « J’ai déjà vu des faux-culs… mais vous êtes une synthèse ! » 4,5/6

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Annie Girardot : elle boit, elle fume et… elle cause !

L’AFRICAIN (Philippe De Broca, 1983)

l-africainL’Africain. De Philippe De Broca. France. 1983. 1h41. Avec : Catherine Deneuve, Philippe Noiret et Jean-François Balmer (et Jacques François dans le rôle d’un anglais). Genre : comédie/aventure. Sortie France : 02/03/1983. Maté à la téloche le mardi 30 mai 2017.

De quoi ça cause ? Charlotte (Catherine Deneuve) doit établir un nouveau club de vacances en Afrique Centrale. Elle y retrouve son ex-mari Victor (Philippe Noiret), bien décidé à l’empêcher de réaliser son projet. S’ensuit une course poursuite au cœur du pays pygmée, parmi les éléphants et les braconniers d’ivoire. (source : Philippedebroca.com)

Mon avis Télé Z : Aventure, romance, grands espaces : tout est là pour faire de L’Africain un bon De Broca. Rappelons au passage que le bonhomme n’est rien de moins que l’un des meilleurs artisans du cinéma populaire français. Le terme « artisan » n’a rien de péjoratif, bien au contraire, le réalisateur du mémorable Le magnifique sachant raconter une histoire et emballer le tout sans chichis et avec une bonne dose de générosité. À travers le couple Charlotte/Victor se sont deux visions du monde qui s’opposent. La première, capitaliste, souhaite tirer profit de l’exotisme du continent noir. La seconde, humaniste, se fait le protecteur de la nature et des animaux. Finalement, au fil des péripéties, les divergences vont s’annuler, le projet de Charlotte – animé de bonnes intentions mais quelque peu naïf compte tenu de la réalité – étant surtout l’occasion pour elle de prendre sa revanche sur la vie. De goûter elle aussi à l’aventure, expérience stimulante qui ne devrait pas être réservée seulement aux hommes. Le rêve a néanmoins son prix, un prix sentimental comme le suggère un final étonnamment doux-amer. En revanche, le point de vue des braconniers et autres chasseurs d’ivoires s’avère bien entendu irréconciliable avec les deux autres. Le scénario en profite pour dénoncer ces pratiques dégueulasses qui assassinent toute la faune africaine. La dimension écologique du film de Philippe De Broca est plus que jamais d’actualité et lui permet de ne pas trop mal vieillir (la réplique de Noiret défendant les éléphants est juste magnifique). Si le thème à la Out of Africa de Georges Delerue et les paysages kényans et zaïrois sont des atouts non négligeables, l’énorme capital sympathie du long-métrage provient énormément de son duo de stars. Deneuve rayonne et apporte beaucoup de charme et de caractère à son personnage, Noiret fait preuve d’une réelle bonhommie qui le rend immédiatement attachant. La présence de la blonde fantasmatique rapproche inévitablement L’Africain des tribulations du Sauvage (1975), même si l’énergie du second fait un poil défaut au premier. Quoi qu’il en soit, cette comédie d’aventure tient encore bien la route. Et annonce, en quelque sorte, l’hollywoodien À la poursuite du diamant vert de Robert Zemeckis (1984). 4/6

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Catherine Deneuve, perdue dans la pampa mais toujours prête à surmonter les difficultés.

LE SAUVAGE (Jean-Paul Rappeneau, 1975)

19798540Le sauvage. De Jean-Paul Rappeneau. France/Italie. 1975. 1h43. Avec : Catherine Deneuve, Yves Montand et Dana Wynter (premier rôle féminin de L’invasion des profanateurs de sépultures de Don Siegel). Genre : comédie/aventure. Sortie France : 23/11/1975. Maté à la téloche le lundi 17 avril 2017.

De quoi ça cause ? Las de la vanité parisienne, Martin (Yves Montand), créateur de parfums, s’est exilé sur une île d’Amérique latine. Un jour qu’il est de passage à Caracas, sa nuit est troublée par l’irruption de Nelly (Catherine Deneuve), volcanique jeune femme fuyant son fiancée. Elle propose à Martin de lui vendre un Toulouse-Lautrec, emprunté à son patron, en guise de salaire s’il l’aide à rentrer en France. Celui-ci accepte. Soulagé, il regagne son île où il a la surprise de retrouver Nelly. (source : Allociné.fr)

Mon avis Télé Z : À la fois comédie vaudevillesque et film d’aventure exotique, Le sauvage est tout d’abord la rencontre de deux stars au sommet. D’une beauté irradiante, Catherine Deneuve se montre très à l’aise dans un registre léger et prouve qu’elle ne peut être réduite à cette présumée froideur qui lui colle à la peau. Impulsive et imprévisible mais aussi libre et indomptable, la comédienne défend avec une énergie communicative un personnage semant un joyeux bordel sur son passage. Les hommes lui courent après sans jamais la rattraper, et pour cause : elle se déplace tel un tourbillon et achève les mâles rien qu’avec son dos dénudé. Car depuis Belle de jour, nous savons que le dos de Catherine Deneuve est le dos le plus érotique du cinéma. Face à ce pur fantasme sur pellicule, Yves Montand joue les baroudeurs au passé mystérieux, avec dans les yeux un brin de pétillance et une touche de tendresse. Une sacrée prestance, comme d’hab. Entre engueulade homérique et réconciliation soudaine, entre coup fourré et attirance mutuelle, le duo fonctionne à merveille. Il nous offre, lors d’un deuxième acte insulaire, un numéro mémorable qui, en contrepartie, ralentit légèrement le rythme effréné d’une première demi-heure démarrant sur les chapeaux de roues. Rien de bien méchant cependant, Le sauvage ayant plus d’une corde à son arc, comme la rigueur d’un Jean-Paul Rappeneau n’hésitant pas à multiplier les lieux de tournage pour servir son histoire (le Venezuela, les Bahamas, les îles Vierges, New York, Saint-Laurent-des-Bois, dans l’Eure). Il n’en faut pas plus pour faire de cette bien plaisante péloche un bel exemple de ce cinoche populaire made in France, très en forme au milieu des 70’s. 4/6

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Catherine Deneuve, la magnifique sauvageonne du film de Rappeneau.

FATAL GAMES (Michael Lehmann, 1988)

tumblr_o6r1hhjfe71tb5bt3o1_500Fatal games (titre original : Heathers). De Michael Lehmann (Hudson Hawk avec Bruce Willis). États-Unis. 1988. 1h38. Avec : Winona Ryder, Christian Slater et Shannen Doherty. Genre : comédie/thriller. Sortie dvd : 03/09/2009 (Filmedia). Maté en dvd le mardi 11 avril 2017.

De quoi ça cause ? Au lycée Westerberg High, il fait bon s’appeler Heather… En effet, Heather Chandler, Heather McNamara et Heather Duke sont amies et font la pluie et le beau temps, décidant qui est « in », méprisant qui est « out ». Elles ont décidé que Veronica Sawyer (Winona Ryder) était « in ». Pourtant, la jeune fille souffre du climat qui règne au lycée, et se confie à J.D. (Christian Slater), le jeune homme qu’elle vient de rencontrer. Pour J.D., la solution est simple et radicale : tuer les trois Heather. Une idée amusante, sans doute. Mais J.D. ne plaisante pas… (source : Dvdfr.com)

Mon avis Télé Z : Méconnu en France, Fatal games est pourtant l’un des meilleurs teen movies des glorieuses 80’s. Pourquoi ? Parce qu’il ose montrer la face sombre de l’adolescence sous des dehors de comédie. Un mélange peu orthodoxe qui fait toute la singularité d’une œuvre considérée comme culte outre-Atlantique. Mais ce n’est pas tout. Michael Lehmann et son scénariste Daniel Waters portent un regard satirique sur une jeunesse américaine prête à toutes les bassesses pour devenir (et rester) populaire. L’hypocrisie et la cruauté de ce microcosme sont aussi alimentées par la désinvolture et le manque de discernement des adultes (parents et enseignants sont incapables de comprendre et d’endiguer le mal-être des lycéens). Dans cette société viciée par le paraître et la bêtise, la cellule familiale s’avère elle-même un poison, une source d’aliénation (le psychotique J.D. semble suivre les traces de son paternel, promoteur immobilier sans scrupules). Cependant, le plus subversif dans Heathers reste la relation malsaine liant les deux héros. D’abord conçue comme une blague potache, la vengeance perpétrée par J.D. et Veronica à l’encontre des imbéciles du bahut, se transforme très vite en meurtre prémédité. Le premier manipule la seconde en faisant revenir à la surface la part de noirceur enfouie en elle. Un jeu dangereux qui fait écho aux nombreux faits divers qui ont ensanglanté les campus états-uniens depuis. Rien que pour ça, entreprendre un remake (fidèle) du film de Lehmann serait impossible aujourd’hui… D’autant plus que ce dernier se plaît à brouiller subtilement les frontières entre réalité et fantasme, légèreté et gravité. Déstabilisant certes, mais surtout jouissif, à l’image de ces trop rares apartés oniriques (cf. la dernière cérémonie funéraire directement issue d’un cauchemar de Veronica). Et puis, il y a l’inoubliable Winona Ryder – l’un des plus beaux souvenirs des années 80 et 90, l’une des actrices les plus douées de sa génération – sans qui Fatal games ne serait pas aussi marquant et définitif. 5/6

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Un avertissement funèbre pour Winona Ryder. Fatal games of death.

DESPERATE LIVING (John Waters, 1977)

928full-desperate-living-posterDesperate living. De John Waters (qui aime aussi beaucoup faire l’acteur). États-Unis. 1977. 1h28. Avec : Mink Stole, Liz Renay et Susan Lowe. Genre : comédie. Sortie dvd : 09/03/2006 (Seven7). Maté en dvd le lundi 13 mars 2017.

De quoi ça cause ? Peggy Gravel (Mink Stole), une bourgeoise névrosée, se débarrasse de son mari avec la complicité de sa femme de ménage Grizelda (Jean Hill). Toutes deux prennent la fuite et se retrouvent à Mortville, un lieu où toute la vermine et les dépravés de la région semblent s’être donné rendez-vous. L’endroit vit sous la coupe de l’infâme reine Carlotta (Edith Massey) et de sa fille Coo-Coo (Mary Vivian Pearce), mais bientôt les choses vont changer… (source : Dvdfr.com)

Mon avis Télé Z : Un dynamitage en règle du glamour hollywoodien et de sa norme abrutissante : voilà le projet au centre de l’œuvre de John Waters. Comédie satirico-trash électrisée par une liberté de ton absolue, Desperate living est l’un des fleurons du natif de Baltimore. Deux Amériques se tirent ici la bourre : celle des banlieues chicos incarnées par la « desperate housewife » Peggy (Mink Stole, dans un grand numéro d’hystérie et de paranoïa). Et celle de Mortville, un taudis dirigé par une reine autoritaire et dans lequel se cache une horde de lesbiennes. Bien entendu, Waters se place du côté de ces dernières et fait de son hypocrite et égoïste wasp la méchante de l’histoire, au même titre que l’odieuse souveraine. Sardonique à souhait, Desperate living se la joue conte de fée, mais avec des fées moins sages que chez Disney. La morale conformiste chère à la firme aux grandes oreilles en prend naturellement pour son grade. Les outrances en tous genres s’enchaînent dans l’allégresse et culminent lors d’un final transgressif et décapant flirtant avec l’horreur bis. Franchement, Waters et sa troupe ne font pas les choses à moitié pour nous venger de la bienséance en vigueur dans toutes ces productions trop propres pour être honnêtes… Bien loin des standards à la mode, le long-métrage met la laideur à l’honneur et ne la cache pas sous le vernis des apparences. L’expérience en devient carrément organique : les fluides corporels sont jetés à la face du spectateur, les chairs pendouillent mais ne sont jamais tristes et la crasse ambiante est quasiment palpable (ne manque plus que l’odorama de Polyester pour que l’immersion soit totale). Mais la laideur, c’est aussi la beauté des autres. Desperate living est peuplé de gueules singulières (Susan Lowe, androgyne vénère arborant deux ou trois verrues sur le visage), de physiques hors normes (Jean Hill et ses 200 kilos d’amour, étouffant un gus avec son popotin) et d’actrices fascinantes (Liz Renay, blonde bustée qui n’aurait pas dépareillé chez Russ Meyer) donnant vie à des personnages hauts en couleur et complètement cramés. Ces dames, que l’on croirait sorties du plus déviant des cartoons, assurent dans la joie et la bonne humeur (et quelques jets de vomi), un spectacle à la folie libératrice. Plus que du mauvais goût, du grand art. 5/6

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Susan Lowe et Liz Renay : des princesses, des vraies.

WE WANT SEX EQUALITY (Nigel Cole, 2010)

19637240.jpg-r_1920_1080-f_jpg-q_x-xxyxxWe want sex equality (titre original : Made in Dagenham). De Nigel Cole (Saving grace avec Brenda Blethyn, Calendar girls avec Helen Mirren). Royaume-Uni. 2010. 1h53. Avec : Sally Hawkins, Geraldine James et Andrea Riseborough. Genre : comédie. Sortie France : 09/03/2011. Maté à la téloche le mercredi 8 mars 2017.

De quoi ça cause ? Au printemps 1968, un vent de contestation souffle dans l’usine Ford de Dagenham. Déclassées par la direction, les cent quatre-vingt-sept ouvrières de l’atelier de sellerie se mettent pour la première fois en grève. Sous l’impulsion du syndicaliste Albert Passingham (Bob Hoskins), la couturière Rita O’Grady (Sally Hawkins), modeste et inexpérimentée, prend les commandes de la fronde. Tenant tête aux dirigeants, elle revendique un droit au grade d’ouvrier spécialisé et l’égalité des salaires entre hommes et femmes. Malgré ses doutes, la jeune femme, entourée de ses fidèles collègues, mène une lutte acharnée. En trois semaines, les ouvrières de la banlieue londonienne paralysent l’un des principaux constructeurs automobiles mondiaux, suscitant l’attention des médias mais aussi celle du gouvernement. (source : Arte.tv/fr)

Mon avis Télé Z Modèle de comédie sociale à l’anglaise, We want sex equality nous rappelle que les acquis d’aujourd’hui sont le fruit d’une lutte menée par de courageuses pionnières. Des femmes qui ont contesté les usages sexistes d’un système qui les a relégué au second rang mais qu’elles sont parvenues à changer. Discriminée à cause de son sexe et de son milieu social, la Rita O’Grady interprétée par Sally Hawkins est une travailleuse comme les autres que les circonstances vont pousser à se battre pour toutes les autres travailleuses. Le film nous emporte avec lui dans cet élan émancipateur et soulève les difficultés rencontrées par les femmes lorsqu’il s’agit de revendiquer leurs droits (pression familiale, paternalisme, perfidie patronale). Située en cette révolutionnaire année 1968, l’histoire vraie au centre de We want sex equality est aussi celle de nos sociétés actuelles dans lesquelles l’égalité femmes-hommes et la parité salariale ne sont qu’un mythe. Les ouvrières de Dangenham ont montré la voie et prouvé que nous pouvons tout(e)s bouger les lignes. À nous maintenant de rester vigilant(e)s et de réagir lorsque nos libertés fondamentales sont menacées. Voilà le message – progressiste – que l’on pourrait retenir d’un film où tous les protagonistes sont traités avec justesse et à-propos (le syndicaliste joué par le regretté Bob Hoskins est un allié sincère du féminisme), où le trait n’est jamais appuyé (les costards-cravates de chez Ford ont beau être détestables, ils ne sont jamais caricaturaux) et où l’humour et l’émotion se côtoient dans une symbiose parfaite. Le tout soutenu par la crème des comédiennes britanniques : Sally Be happy Hawkins, Andrea Shadow dancer Riseborough, Miranda The crying game Richardson et Rosamund Gone girl Pike. Vibrant et engagé, We want sex equality donne l’envie d’adresser un gigantesque « fuck » au patriarcat et au grand capital ! 5/6

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It’s women’s turn : la sororité en action face aux injustices du monde du travail.