Voilà un film qui nous venge des déjections télévisuelles de Stéphane Plaza. Ici, pas de baraque à vendre, de déco à refaire ou de temps de cerveau disponible pour l’immortelle connerie de la pub. La maison des damnés n’est pas franchement accueillante, chaleureuse. Elle ne se loue pas sur Airbnb. Elle dévore les âmes. Et pour cause, le maître des lieux, Emeric Belasco, était un véritable psychopathe, un ennemi du genre humain. « Était » parce qu’il ne devrait plus être de ce monde depuis des lustres. À moins que… Supposée hantée, « Hell House » est néanmoins rachetée par un obscur vieillard plein aux as. Celui-ci a une idée derrière la tête : prouver qu’il existe une vie après la mort. Pour cela, il embauche le docteur Barrett (Clive Revill), un physicien secondé par son épouse Ann (Gayle Hunnicutt). Sans oublier, Florence Tanner (Pamela Franklin) et Ben Fischer (Roddy McDowall), deux extralucides. Une fois sur place, le quatuor a une semaine pour mener à bien ses expériences et livrer ses conclusions. Mais sept jours en enfer, c’est long, très long…
À l’origine de La Maison des damnés, on trouve un bouquin de 1971 intitulé Hell House et pondu par l’immense Richard Matheson (il faut lire et relire jusqu’à l’usure des yeux, Je suis une légende ou Le Jeune homme, la mort et le temps, la love story la plus poignante jamais écrite). En tant que scénariste, le romancier participe durant les 60’s au cycle Poe mis en scène par Roger Corman et produit par le duo Samuel Z. Arkoff/James H. Nicholson via leur société American International Pictures. Toujours en cette année 1971, Nicholson se sépare d’Arkoff et se lance dans une carrière solo avec deux nouveaux projets : l’adaptation par Matheson lui-même de Hell House et le vrombissant Larry le dingue, Mary la garce. Deux films signés John Hough, également auteur d’un fabuleux Hammer érotico-vampirique : Les sévices de Dracula (avec, au générique, les non moins fabuleuses jumelles Collinson). Malheureusement, James H. Nicholson décède prématurément le 10 décembre 1972 et ne verra pas ses ultimes productions sortir dans les salles…
The Legend of Hell House n’aurait certainement jamais vu le jour sans La Maison du diable (1963), monument du genre dans lequel les fantômes de l’inconscient déclenchent une terreur indicible. Si le film de Hough possède le même argument scénaristique que le chef-d’œuvre de Wise (des personnes s’enferment dans une étrange bâtisse pour nourrir la recherche parapsychologique) et illustre à son tour l’opposition entre science et croyance, il en profite aussi pour exploiter la trouille psychanalytique chère à son aîné. Ainsi, la présumée frustration sexuelle de Madame Barrett la transforme en nympho à la nuit tombée tandis que la folie perverse de Belasco puise sa source dans un secret dévoilé lors du twist final. Pour le reste, La Maison des damnés se montre moins subtil et ambigu que son glorieux modèle (la présence d’un spectre malveillant ne fait ici aucun doute) mais se rattrape en faisant preuve d’un art consommé de la suggestion (ce qui, par ailleurs, jure quelque peu avec sa source littéraire, plus démonstrative), tout en laissant la violence graphique s’exprimer le temps de deux ou trois plans marquants.
Alors que La Nuit des morts-vivants et Rosemary’s baby révolutionnent l’horreur à la fin des sixties, The Legend of Hell House ne tourne pas encore le dos à l’épouvante old school. S’inscrivant dans une tradition gothique hammerienne (ses décors et ses trucages à l’ancienne en attestent), le long-métrage trahit pourtant sa modernité à plusieurs reprises et ce sans paraître aussi débridé que d’autres péloches british des 70’s (un exemple ? Le foufou Horror Hospital d’Antony Balch). Formellement, la participation de Hough et du chef op Alan Hume au visionnaire et inventif Chapeau melon et bottes de cuir se fait sentir : gros plan, contre-plongée, grand angle, caméra tournant sur son axe… À ce dynamisme visuel s’ajoute un avant-gardisme sonore dû aux expérimentations électroniques de Brian Hodgson et Delia Derbyshire (une pionnière en la matière à qui l’on doit le générique de Doctor Who). Leurs bruitages concourent grandement à rendre l’atmosphère plus délétère, pernicieuse, malsaine.
En corroborant la véracité des phénomènes surnaturels relatés par le long-métrage, le texte introductif de Tom Corbett, un authentique médium, contribue aussi à distiller le malaise. Une manière de crédibiliser les événements, de faire comme si le cauchemar était réel, à l’image de la date et de l’heure s’affichant à l’écran à mesure que le temps passe… Autre particularité de La Maison des damnés : la proximité qu’il entretient avec deux futurs classiques. Le premier n’est autre que L’Exorciste (1973) dont on retrouve ici un exemple de possession vocale (au cours d’une séance de spiritisme, la voix du « malin » remplace celle de Pamela Franklin). Le second, le plus tardif L’Emprise (1981), voit son climax débouler avec huit ans d’avance (une machine tente de neutraliser l’énergie de l’entité hostile). Pas mal pour un film de hantise auquel on ne pense pas souvent mais qui ne manque pourtant pas d’atouts. L’acquisition du dvd de La Maison des damnés (BQHL éditions), proposé en pack avec le Mad Movies de juin dernier, s’avère donc plus que recommandable.
The Legend of Hell House. De John Hough. Royaume-Uni. 1973. 1h33. Avec : Pamela Franklin, Roddy McDowall, Gayle Hunnicutt…
Ah merci de parler de ce film trop méconnu à mon goût qui mérite d’être revu, surtout avec le succès de la série Haunted of Hill House !
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Mais de rien, tu es ici la bienvenue ! Ravi de ne pas être le seul à apprécier ce bon p’tit film d’épouvante des 70’s. Quant à The Haunting of Hill House, vivement la saison 2 !
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Clairement, vivement la saison 2.
Bon j’ai lu que 2 articles pour le moment, (je vais éviter de lire ceux sur des films que je n’ai pas encore vu) mais j’ai comme l’impression qu’on a des goûts similaires ! (et le même esprit taquin avec ceux qui boudent le cinéma de genre 😉
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Oui, pas de doute la-dessus ! Nous aurons donc plein de choses à nous dire ! À très bientôt 😉
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