La dixième victime (titre original : La decima vittima). De Elio Petri. Italie/France. 1965. 1h29. Avec : Ursula Andress, Marcello Mastroianni et Elsa Martinelli (que je l’aime dans Il mio corpo per un poker et Una sull’altra…). Genre : science-fiction. Sortie dvd/blu-ray : 12/07/2017 (Carlotta films). Maté en dvd le mardi 22 août 2017.
De quoi ça cause ? Dans un futur proche, les gouvernements en place ont instauré un nouveau jeu mondial, appelé la Grande Chasse. Le principe : un chasseur et une victime, désignés au hasard, doivent s’entre-tuer. La règle n°1 : le chasseur connaît l’identité de sa victime, mais la victime ignore tout de lui. C’est au cours d’une de ces manches que l’Américaine Caroline Meredith (Ursula Andress), en passe de remporter sa dixième victoire consécutive, rencontre sa victime, l’Italien Marcello Poletti (Marcello Mastroianni). Un jeu de séduction s’installe bientôt entre eux. Mais leur attirance est-elle réelle ou calculée ? (source : Carlottavod.com)
Mon avis Télé Z : Avec La dixième victime, Elio Petri aborde le genre de l’anticipation dystopique, avec en prime une toile de fond bien particulière : la chasse à l’homme institutionnalisée. Une œuvre avant-gardiste qui devance une belle brochette de péloches partageant le même thème. Comme dans La course à la mort de l’an 2000 (Paul Bartel, 1975), Rollerball (Norman Jewison, 1975) ou Le prix du danger (Yves Boisset, 1983), l’État impose à ses concitoyens un jeu barbare dans lequel la plupart des participants finissent à la morgue. La légalisation « encadrée » du meurtre est censée contrôler les pulsions des individus et garantir la paix mondiale. La mise en spectacle de la violence, avec ses caméras de télévision enregistrant l’innommable pour le grand public et au nom du fric, met en exergue l’amoralité des médias et de tout un système. Dans La dixième victime, des contrats publicitaires se greffent aux exécutions filmées, les « chasseurs » vantant les mérites d’une marque avant de refroidir leurs victimes. De la télé-réalité, en somme, avec pour seul programme la mort en direct. Et le tout sponsorisé par le thé Ming… Cette décadence d’une civilisation au bout du rouleau permet à Petri de livrer une satire sociale empreinte d’humour noir. L’absurdité de ce monde orwellien est relevée dans diverses scénettes d’un cynisme absolu (un candidat venant de flinguer sa cible dans les règles, est interpellé par un gendarme pour stationnement interdit !). Les valeurs sont inversées et régressent face à la bêtise humaine. La quasi-omniprésence dans le décor du colisée de Rome, suggère que les combats de gladiateurs existent toujours, même s’ils prennent ici une forme différente. Comme quoi, la modernité n’empêche nullement la sauvagerie de se perpétuer. Toutefois, la noirceur du sujet contraste avec la nature résolument « pop » du long-métrage. Pas de doute, La decima vittima transpire les sixties par tous les pores de sa peau. Et ça ne veut pas dire qu’il refoule des dessous-de-bras, bien au contraire. Les costumes bariolés et autres accessoires psychédéliques s’épanouissent dans le rétrofuturisme le plus savoureux et flirtent même parfois avec le gadget bondien (le fameux bustier/arme à feu refera surface dans le tout premier Austin Powers, 1997). Les lumières sont éclatantes, le tempo langoureux, la musique jazzy à souhait. Malgré le concept de traque effrénée sur lequel repose le film, le rythme ne s’emballe jamais et ralentit même quelque peu lorsque Caroline et Marcello se rencontrent. Commence alors un jeu du chat et de la souris où chacun se jauge, où l’un essaie de faire tomber l’autre dans un piège et vice versa. Au final, Ursula Andress et Marcello Mastroianni rivalisent surtout de charme et de séduction et s’affrontent à égalité, ce qui fait plaisir à voir. La première est une pointure dans son domaine (celui de la « chasse ») et ne manque ni d’esprit ni de sex-appeal. Elle n’est en aucun cas le faire valoir du second, ce qui est une bonne chose. Dommage, en revanche, que la splendide Elsa Martinelli doive se contenter d’un emploi secondaire, celui de la maîtresse jalouse de Marcello. Et que le final soit expédié avec désinvolture, comme si Petri se moquait des artifices de son propre film. Mais le réalisateur d’Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon est parvenu avec La dixième victime à mélanger la BD et le cinéma, et à le faire avec une bonne dose de panache et d’à-propos (et ce quelques années avant le Danger : Diabolik ! de Bava et le Barbarella de Vadim, tous deux sortis en 1968). L’une des répliques du film défend même les fumetti en les considérant comme des « classiques ». Tout est dit. 4,5/6
